Enfin! Elisabeth et Géraldine, qui vivent en couple dans un village du nord de la France, près d’Avesnes-sur-Helpe, se réjouissent de la légalisation du mariage homosexuel votée par le Parlement le 23 avril, après des mois de polémiques parfois très âpres et, à leurs yeux, vexatoires.
Ces deux chrétiennes revendiquées qui ont déjà conclu un pacte d’union civile (Pacs) en 2009 voient dans l’opposition farouche des milieux catholiques en France un cocktail d' »ignorance » et de « bonne volonté », avec un zeste d' »hypocrisie ».
Sur la question la plus controversée, celle de la filiation, leur position personnelle est que si l’une d’elles décidait d’avoir un enfant, le père ne serait pas occulté, bien au contraire. Une réponse aux opposants à la loi qui ont manifesté aux cris de « un papa, une maman, c’est élémentaire ».
Cependant, les deux femmes qui reçoivent l’AFP dans leur maison de pierres et de briques en pleine campagne, une croix de la communauté religieuse oecuménique de Taizé au cou, estiment que c’est surtout une grande méconnaissance des réalités de l’homosexualité qui a poussé des centaines de milliers de personnes à protester dans la rue.
« L’homosexualité n’est pas un choix. Il n’y a pas de péril social. Les familles homoparentales existent déjà », scande Elisabeth, 31 ans, militante de l’association chrétienne homosexuelle David et Jonathan, et qui travaille pour une association d’aide aux agriculteurs, Solidarité Paysans.
Maintenant, « il faut espérer que le +coming out+ soit facilité chez les jeunes homosexuels et que la tension retombe ».
« Le débat, à chaque fois que les arguments ne reposaient pas sur l’ignorance, a fait progresser la République », espère-t-elle, en habituée du dialogue avec les croyants comme les non-croyants.
Ont-elles souffert d’un regain d’homophobie à l’occasion de cette polémique nationale, dans une région où subsiste un certain conservatisme rural? Leur a-t-on fait payer l’attention portée à cette réforme de société au moment où les habitants sont surtout préoccupés par la hausse du chômage, qui atteint ici les 16%? La réponse est nuancée.
Un couple de lesbiennes a été passé à tabac par des voisins à Bachant, un village de la région. Mais l’incident remonte à 2007 et les auteurs ont été condamnés.
Géraldine, 46 ans, journaliste ancrée depuis longtemps dans la région, a certes dû affronter parfois des regards inquisiteurs, mais elle n’a pas ressenti d’effet négatif dans sa vie professionnelle.
Lorsque une dame du coin d’un certain âge « me dit, en regardant mon alliance, que +mon mari peut réparer le motoculteur+, je choisis de dire la vérité », raconte Elisabeth, invoquant son « droit à la différence ».
Tout n’est pas facile pour autant. Un jeune paroissien qui s’était déchaîné contre les homos sur Facebook a refusé de venir chez Elisabeth et Géraldine, à leur invitation, pour en discuter posément.
Une voisine, élue locale, avec laquelle les relations étaient apparemment bonnes, a signé une pétition anti mariage homo d’un « collectif des maires pour l’enfance ».
Mais « rien de frontal » dans la vie quotidienne. Même si la gêne d’amis ou de collègues, une fois informés de la situation, est parfois perceptible.
L’hostilité peut aussi être inavouée. Exemple: une « âme charitable » a prévenu par courrier anonyme l’évêque de Cambrai que leur Pacs avait été béni, un an après, par un prêtre ami, lors d’une fête donnée à cette occasion.
Même si « la visibilité pour les hommes gays est plus difficile dans une société de domination masculine que pour les lesbiennes », estime Elisabeth, le prix à payer par ces dernières en France est parfois élevé.
C’est le cas, souligne-t-elle, lorsque des lesbiennes sont victimes de viols punitions, qui sont rarement déclarés à la police. Un sujet particulièrement « tabou ».
Pour elles deux, le combat entamé contre les préjugés homophobes doit continuer, 31 ans après la dépénalisation de l’homosexualité en France.