Mariage pour tous au Sénat : Le rapporteur PS rejette d’emblée une proposition UMP

Jean-Pierre Michel, le rapporteur PS au Sénat du projet de loi controversé sur le mariage homosexuel, a rejeté d’emblée jeudi, dès l’ouverture du débat à la Haute Assemblée la proposition UMP de créer une « union civile » pour les couples de personnes de même sexe.

« Cette proposition ne peut être retenue car elle contredit l’esprit qui anime la réforme, en perpétuant l’inégalité ou la différence de traitement infligée à des situations pourtant identiques », a déclaré Jean-Pierre Michel.

Jean-Claude Gaudin, le patron des sénateurs UMP, défend la création « d’une union civile permettant aux couples de personnes de même sexe de s’unir légalement », « une amélioration du PaCS« .

Mais pour Jean-Pierre Michel, si l’union civile offre aux couples homosexuels exactement les mêmes droits et les mêmes garanties que le mariage, « quel serait l’intérêt de créer un doublon du mariage, sauf à vouloir priver les couples de personnes de même sexe d’une reconnaissance sociale symbolique, en réservant la dénomination ‘mariage’ à l’union d’un homme et d’une femme ? ».

Et si « l’union civile est en retrait par rapport au mariage », « comment justifier qu’on prive les couples homosexuels de droits (..) reconnus aux couples hétérosexuels ? », a-t-il poursuivi.

« C’est le mot mariage qui vous gêne », a lancé Jean-Pierre Michel à ses collègues opposés au texte. « Les rédacteurs du Code Napoléon ont employé le mot pour créer une union civile entre un homme et une femme dont le coeur était la préemption de paternité », a-t-il ajouté.

« Mais aujourd’hui l’évolution du mariage montre bien qu’il s’agit de tout autre chose, puisque le mariage civil n’a rien à voir avec le sacrement religieux et que ce projet de loi ne dénature point l’institution du mariage républicain hétérosexuel », a affirmé le sénateur de Haute-Saône.

En ce qui concerne l’adoption, Jean-Pierre Michel a souligné que « les familles homoparentales et leurs enfants ont droit à la protection de la loi ». « Or, a-t-il développé, elles sont fragilisées par le fait que l’un des deux parents n’a aucun lien juridique avec l’enfant qu’il élève pourtant aussi bien qu’un autre parent ».

« Pour remédier à cette insécurité juridique, il est nécessaire d’autoriser l’adoption de l’enfant de l’autre parent », a-t-il dit. Celle-ci « n’est possible que dans le mariage ». « Ce texte est destiné à protéger les enfants et parachève une évolution d’acceptation sociale de l’homosexualité et d’affirmation des familles homoparentales », a-t-il encore estimé, sous les huées de la droite.

> « Un acte d’égalité des droits », pour Taubira

La ministre de la Justice Christiane Taubira a défendu avec vigueur jeudi au Sénat le projet de loi sur le mariage homosexuel, qu’elle a qualifié d' »acte d’égalité des droits » en citant à l’appui Verlaine, Hegel ou Aimé Césaire.

« Le mariage est pris comme un acte de liberté, liberté de se choisir, de vivre ensemble, de divorcer, de ne pas se marier », a-t-elle déclaré.

« Nous en faisons un acte d’égalité des droits pour toutes les familles, un acte de fraternité en ouvrant cette institution éminemment républicaine à tous les couples », a-t-elle insisté.

« Cette institution », a-t-elle poursuivi, dans un discours prononcé comme à son habitude sans notes, « qui a été une institution de propriété, de domination du temps où la loi ordonnait l’obéissance à l’épouse, d’exclusion sur la base de la religion, des professions, est en train de devenir universelle ».

« C’est un accueil dans la maison commune », a-t-elle lancé.

Elle a tenu à rappeler que la PMA (procréation médicalement assistée) et la GPA (gestation pour autrui) ne faisaient pas « partie du périmètre du texte ».

Elle a fustigé le « regard social qui lourdement parfois, désapprobateur sur les enfants de ces familles qui insinue l’anormalité, la marge, la bizarrerie », parfois pire, « des mots, des actes, des agressions » aux « effets dévastateurs ».

« Désormais ceux qui portent ces regards savent que ces enfants , ces familles ne sont plus seulement tolérés, admis dans la société mais protégés par la loi, cela nous fait passer de la tolérance à l’égalité et je vous garantis que cela fera la différence », s’est-elle exclamée.

« Nous sommes dans l’altérité, non pas l’altérité strictement sexuelle, mais une altérité majuscule, c’est ce que définit Hegel (quand il écrit 🙂 il faut pour le moins être deux pour être humain, singulier parce que c’est bien le souci de l’autre qui me permet d’affirmer mon identité et socialement ma civilité », a-t-elle proclamé sous les applaudissements des sénateurs de gauche.

Elle a « salué » les sénateurs d’Outre-mer, « qui seront semble-t-il plus nombreux que les députés d’outre-mer à voter le texte, je veux saluer leur courage, car je sais qu’ils choisissent leurs convictions, leurs consciences, leurs valeurs. Dans ce contexte difficile, ils choisissent ce qui est juste ».

Elle a eu une adresse particulière au Sénat, « une maison dont la culture pousse davantage vers le fond et le droit que les joutes et les polémiques ».

« Comme dirait Aimé Césaire, par cette action nous forçons de fumantes portes », a-t-elle conclu.