Une poignée d’élus UMP déterminés, les faux-pas du gouvernement et une procédure favorisant l’opposition: cette conjonction a transformé le débat à l’Assemblée nationale sur le mariage homosexuel en une guérilla parlementaire acharnée de près de deux semaines.
Plus de 100 heures de discussions, jour et nuit, week-end compris, auront été nécessaires, depuis l’ouverture de la discussion le 29 janvier, pour l’examen du projet de loi ouvrant le mariage et l’adoption aux couples homosexuels.
Vendredi, l’incertitude régnait encore sur le moment où finirait ce marathon. En tout cas bien avant mardi, jour du vote sur l’ensemble du texte, avant d’être examiné par le Sénat à partir du 18 mars.
Si la droite n’a pas réussi à faire reculer le gouvernement sur le contenu du projet, inchangé par rapport à la version initiale, elle peut se vanter d’avoir transformé l’hémicycle en une formidable caisse de résonance de l’hostilité au projet gouvernemental.
A l’origine de cet exploit, une demi-douzaine de députés UMP animateurs de l’Entente parlementaire pour la famille, qui relaie les thèses des organisateurs de la « Manif pour tous » du 24 janvier : Hervé Mariton, Philippe Gosselin, Jean-Frédéric Poisson, Marc Le Fur, Daniel Fasquelle et Xavier Breton.
Ce sont eux qui, inlassablement, ont le plus souvent rédigé et défendu la plupart des 5.000 amendements de l’opposition, tous rejetés, à raison de deux minutes d’intervention à chaque fois. « La plupart du temps, le reste du groupe a fait de la figuration », reconnaît un de leurs collègues.
Si Christian Jacob, chef de file des députés UMP (photo), a été omniprésent, multipliant les rappels au règlement et les suspensions de séance, les poids lourds de l’UMP ont le plus souvent été aux abonnés absents, sauf le premier jour, quand Jean-François Copé et François Fillon sont intervenus.
« Ils veulent éviter de retrouver dans cinq ans sur Dailymotion leurs discours contre le mariage gay, comme circulent maintenant les diatribes de la droite contre le PaCS d’il y a quinze ans », commente un député socialiste.
Si malgré les réticences internes -notamment de Bruno Le Maire et Nathalie Kosciusko-Morizet -, l’UMP a livré jusqu’à l’épuisement général le combat contre le mariage gay, c’est aussi grâce aux maladresses et hésitations du gouvernement sur la GPA (gestation pour autrui) et la PMA (procréation médicalement assistée).
« Cela arrive pour nous à point nommé! », s’est exclamé Daniel Fasquelle, quand le 30 janvier, la circulaire sur le certificat de nationalité des enfants nés de mères porteuses a fait irruption dans l’hémicycle. La ministre de la Justice, Christiane Taubira, a pu arguer, avec son talent oratoire salué par tous, que le texte ne signifiait aucune reconnaissance de la GPA, le moment de sa publication a largement parasité la discussion.
Sur l’extension de la PMA à des couples d’homosexuelles, voire aux femmes seules, le gouvernement et le PS ont maintes fois chuté, dès le dépôt du projet, sur leurs divisions et hésitations.
A cet égard, les 22 heures de séance du dimanche 3 février, jusqu’à 08H00 du matin, ont été dures pour la gauche, quand le Premier ministre Jean-Marc Ayrault, en voyage au Cambodge, a recadré la ministre de la Famille, Dominique Bertinotti, sur la date de présentation de la loi famille incluant, en principe, la question de la PMA.
Sur un tout autre plan, la majorité socialiste, malgré la maestria avec laquel le président de l’Assemblée Claude Bartolone (PS) a dirigé les débats, a été prise au piège par la décision qu’elle avait prise de ne pas imposer un « temps législatif programmé », procédure instaurée en 2009 pour fixer une durée maximale à la discussion d’un texte.
« Le PS, quand il était dans l’opposition, avait tellement tapé contre le temps législatif programmé qu’il ne pouvait pas l’imposer d’emblée », analyse un ténor de l’UMP, ce que confirme volontiers un des dirigeants socialistes.
Mais depuis qu’un député UMP, en l’occurrence l’ancien président de l’Assemblée nationale Bernard Accoyer, a regretté publiquement l’absence de temps programmé, les socialistes ont bien l’intention d’y recourir dans l’avenir, chaque fois qu’un texte controversé sera soumis au Parlement.