Un mois après l’audition des représentants des cultes au Sénat, c’était au tour de « personnalités religieuses, clercs ou laïcs » favorables au projet de loi sur le mariage pour tous d’être auditionnés à ce sujet, mardi 12 mars. Ludovic-Mohamed Zahed, le fondateur de l’association Homosexuels musulmans de France (HM2F), y a participé et nous explique sa démarche. Cependant, les musulmans, dans leur majorité, rejettent cette loi contre laquelle la mobilisation perdure. Des initiatives émergent.
Le projet de loi sur le mariage pour tous a obtenu le « oui » de l’Assemblée nationale, mardi 12 février. Le jour même, les représentants des cultes majoritaires en France étaient auditionnés au Sénat, où le texte de loi ouvrant droit au mariage et à l’adoption pour les couples homosexuels, doit être examiné à partir du 2 avril.
A l’exception des bouddhistes, l’ensemble des responsables religieux tel que le président du Conseil français du culte musulman (CFCM), Mohammed Moussaoui, ou encore le cardinal-archevêque de Paris André Vingt-Trois avaient alors formulé leur ferme opposition au mariage pour tous.
Cette fois, ce sont des « personnalités religieuses, clercs ou laïcs favorables à cette réforme emblématique », parmi lesquelles des membres d’associations LGBT revendiquant leur appartenance à un monothéisme, qui ont été auditionnés, mardi 12 mars, durant une heure par le rapporteur (PS) du texte au Sénat Jean-Pierre Michel, avec l’aide de la sénatrice de Seine-et-Marne Hélène Lipietz (EELV), à l’origine de leur invitation.
Les musulmans « ont plus de liberté dans leur interprétation »
Ludovic-Mohamed Zahed, président fondateur de Homosexuels musulmans de France (HM2F) et de l’association Musulmans Progressistes de France (MPF), faisait partie de cette délégation, aux côtés du pasteur Stéphane Lavignotte, des représentants de l’association Beit Haverim (groupe juif gay et lesbien de France), de l’association David et Jonathan (mouvement homosexuel chrétien) et du Carrefour des chrétiens inclusifs.
« Nous avons tous présenté nos associations. J’ai ainsi pu présenter H2MF et l’association Musulmans Progressistes de France, qui gère la mosquée inclusive de l’Unicité. Elle regroupe des imams hommes et femmes et est ouverte aux homosexuels, bisexuels et transsexuels », raconte Ludovic-Mohamed Zahed.
« J’ai pu expliquer que le mariage en islam est un contrat social entre deux personnes consentantes. Ce n’est pas un sacrement comme chez les chrétiens ou les juifs. Il y a une diversité chez les musulmans qui ont plus de liberté dans leur interprétation car il n’y a pas d’autorité comme dans les autres religions », poursuit-il.
Une vingtaine de fidèles réguliers à la mosquée de l’Unicité
Au sein du collectif MPF, il déclare aider à la célébration de mariages homosexuels dans son lieu de culte. « Avec le pasteur Stéphane Lavignotte, nous sommes les seuls auditionnés au Sénat, mardi, à procéder à des mariages de personnes du même sexe », précise l’homme. Celui-ci avait créé la polémique en se mariant « religieusement » en France avec son compagnon sud-africain Qiyaam avec qui il s’est marié officiellement en Afrique-du-Sud.
L’Unicité, qui est d’abord une salle de prière ouverte depuis fin 2012, attire « régulièrement une vingtaine de personnes et 300 suivent notre actualité », fait savoir M. Zahed.
Selon lui, « les mentalités ont évolué. La population est prête, les politiques sont prêts » à accorder le mariage aux couples du même sexe. N’aurait-il pas vu l’ampleur des manifestations du collectif Manif pour tous ? « C’est bien que la démocratie s’exprime », juge Ludovic-Mohamed Zahed, qui fait toutefois remarquer que les « défilés étaient composés de gens d’extrême droite ». Pour lui, ces protestations sont surtout « idéologiques » et n’ont « rien à voir avec la filiation ».
La mobilisation anti-mariage gay se poursuit
Au-delà du mariage homosexuel, c’est pourtant l’adoption par les couples homosexuels qui est par dessus tout décriée par les opposants au Mariage pour tous. Si les musulmans restent à ce jour invisibles dans cette contestation, une majorité d’entre eux demeurent opposés au mariage pour tous.
Aux yeux de la communauté, l’interprétation de M. Zahed est en contradiction avec la religion. « On ne peut pas nous demander de changer les règles, les principes de la religion » musulmane, déclarait M. Moussaoui lors de son audition devant les sénateurs. La vie sexuelle des musulmans homosexuels ne saurait être « conforme à la religion », martelait-il.
L’Union des Organisations Islamiques de France (UOIF) avait même appelé les musulmans à participer à la grande manifestation du 13 janvier. Le club de réflexion musulman Fils de France est par ailleurs un des porte-paroles de La Manif pour Tous.
Une nouvelle association baptisée « Les Musulmans pour l’enfance » vient de voir le jour à Décines, dans la région lyonnaise. Le collectif regroupe « des Français membres de la communauté musulmane. (…) soucieux de protéger l’institution républicaine du mariage pour assurer le droit de chaque enfant à grandir avec un père et une mère » et qui désire « mobiliser les réseaux musulmans contre ce projet que nous considérons comme dangereux pour toute la société », explique Abderrahmane Ait-Rabah, un de ses responsables.
Des cars au départ de mosquées
Si le projet de loi a ses chances d’être adoptée, la mobilisation se poursuit. Le collectif des Musulmans pour l’enfance appelle leurs partisans à participer massivement à la grande manifestation du 24 mars à Paris. Des cars seront même affrétés au départ d’une dizaine de mosquées de la métropole lyonnaise.
Alors que le Conseil économique, social et environnemental (CESE) a rejeté la pétition du collectif La Manif pour Tous rassemblant plus de 700 000 signatures, ses membres comptent bien mener jusqu’au bout le combat.
Source : saphirnews.com