Les associations de lutte contre l’homophobie reçoivent de nombreux appels ces dernières semaines. Pour les premiers concernés, ce phénomène n’est pas nouveau mais son ampleur surprend.
Le climat s’est détérioré entre partisans et opposants au projet de loi sur le mariage pour tous. Le vote solennel entraînant l’adoption définitive de la loi aura lieu mardi à l’Assemblée nationale, où la tension est montée d’un cran. Jeudi, l’ultime séance de la deuxième lecture du texte, a été entachée d’un incident. Ce climat dans l’hémicycle est à l’image des tensions en marge des derniers rassemblements contre le mariage pour tous, où des échauffourées ont éclaté et des militants arrêtés. Il y a deux semaines, deux homosexuels ont été passés à tabac à Paris, tandis qu’à Lille, un bar gay a été la cible d’une agression homophobe mercredi soir. Face à la radicalisation du débat, François Hollande a tenté un rappel à la loi lors d’une visite à Roissy jeudi: «Il y a des actes homophobes. Il y a des actes violents qui sont commis. Le droit de manifester est reconnu par notre Constitution et admis par les Français. Mais aucune manifestation ne doit dégénérer, aucune ne doit s’en prendre aux biens publics et il ne peut pas y avoir d’acte contre des personnes».
«Les injures sont libérées en matière de haine et d’homophobie»
Les associations luttant contre l’homophobie sont très claires: depuis que la tension s’est exacerbée autour du mariage pour tous, les appels et témoignages reçus sont plus nombreux. Jérôme Martin, militant d’Act Up à Paris, est catégorique: «Il y a de plus en plus de menaces sur les militants et l’association elle-même. Depuis l’ouverture du débat, les injures sont libérées en matière de haine et d’homophobie».
Elisabeth Ronzier, présidente de SOS Homophobie, affirme que les témoignages reçus rapportant des actes d’homophobie «ont augmenté de 30% en 2012 et sur le début 2013, nous en avons trois fois plus qu’au début de l’année 2012.» Pour répondre à cette demande, l’association forme plus de bénévoles pour être sur le tchat, répondre aux courriels et à la ligne d’écoute. De nombreux «homosexuels sont très inquiets de la tournure que prend le débat», assure-t-elle. «On avait anticipé un débat vif et passionné, mais on ne pensait pas qu’on tomberait dans une telle radicalisation. Or, plus on en parle, plus ça libère les paroles».
Véronique, bénévole à l’association Le Refuge, qui aide les jeunes homosexuels, explique recevoir «de plus en plus de témoignages de jeunes, qui découvrent avec le débat, que leurs parents sont homophobes.» En temps normal, l’association reçoit entre 100 et 150 appels par mois, contre 400 à 450 depuis le mois de décembre.
«Je fais profil bas»
Benjamin, étudiant à Caen, confie: «Je n’aurais pas fait mon coming out aujourd’hui. Ce qui me fait le plus peur, c’est la violence véhiculée par le débat. Je suis presque soulagé d’être célibataire en ce moment, car si j’avais un copain, j’hésiterais à lui tenir la main dans la rue!» Mais il ne sent pas plus d’agressivité autour de lui, à l’instar d’Elodie, 27 ans, qui vit à Paris: «Quand je me balade avec ma copine, il y a forcément une réflexion ou un regard si on s’affiche, mais ce n’est pas nouveau. Par contre, je prends des précautions: on évite de se tenir par la main, mais on se tient par le bras, comme des amies. Je me suis déjà fait suivre et insulter. C’est très violent de se faire agresser par un inconnu juste à cause de son orientation sexuelle. Il faut se remettre du choc, c’est pourquoi je fais profil bas».
«Je ne vais pas arrêter de tenir la main de mon copain dans la rue»
Dans le quartier du Marais jeudi soir, l’un des repères parisiens de la communauté homosexuelle, l’ambiance est sereine. Certains sont néanmoins lassés de la tournure du débat, qualifié de «triste» et de «pathétique». Le terme «violence» revient régulièrement dans les discussions. «Je serre bien mes lacets avant de sortir, au cas où je devrais courir. Mais je n’ai pas envie de m’empêcher de faire des choses, il faut juste être vigilant», explique Amaury, 25 ans, pour qui ce débat «donne envie de militer». Marco, 30 ans, refuse de se soumettre à la «peur»: «Je ne vais pas arrêter de tenir la main de mon copain dans la rue», tranche-t-il. Fabien, 38 ans, estime que «même si la loi passe, l’avenir est terni. J’ai envie de me marier, mais j’attendrais que le climat se détende. Ça doit être le plus beau jour de ma vie». Les dernières agressions homosexuelles n’effraient pas ici. Comme en témoigne Christophe, 41 ans: «Je sors davantage pour montrer que je suis présent et que je n’ai pas peur». Stéphane, 37 ans, est lui «plus méfiant» mais assure «avoir du répondant». «Je me suis déjà pris un poing dans la figure alors que j’embrassais mon copain. Si je vois un mec se faire agresser, j’irai toute de suite l’aider».