À l’attention de Madame Marie-Claude Bompard.
Maire de la ville de Bollène
Place Reynaud-de-la-Gardette
BP 207
84505 Bollène Cedex
Madame,
Je viens de prendre connaissance de divers articles de presse concernant ce que l’on nomme pour la majorité des citoyens, un événement heureux, mais il semble que cette fois, cet événement fait deux malheureuses en les personnes de Amandine Gilles et Angélique Leroux.
Ce qui est ennuyeux, c’est que vous en portez la responsabilité en votre qualité de maire, et donc d’élue et représentante de la république, en empêchant ces deux jeunes femmes de célébrer officiellement, républiquement et civilement leur union de fait.
Cette « réponse » donnée à deux personnes qui souhaitent voir concrétiser un projet de vie va à l’encontre même de la loi votée démocratiquement promulguée et publiée au Journal officiel le 18 mai 2013, une loi dont vous êtes la garante en ayant accepté un mandat pour lequel des citoyens républicains donc, on décidé de vous choisir pour les représenter auprès de tous les administrés de votre commune. Ce qui veut dire, si j’en crois le pourcentage des votes qui se sont portés sur votre candidature, 47,95%.
Dans ce cas, que deviennent les 52,05% de citoyens qui n’ont pas fait ce choix ?!? Ils n’auront pas voix au chapitre de la loi que vous vous devez d’appliquer, parce que cela ne prendrait pas en compte vos convictions personnelles ou spirituelles ?!? Est-ce au simple citoyen que je suis de vous rappeler à votre devoir d’élue de la république en vous pliant au serment et aux vœux que vous avez prononcés au moment de votre élection ?
La république est laïque depuis 1905 comme vous le savez, c’est au nom de cette république laïque que vous avez sollicité les suffrages de vos concitoyens, vous l’avez semble-t-il, très vite oublié au moment de renvoyer ces deux jeunes femmes dans un no-man’s land qui ne dit pas son nom, vous avez déclaré respecter les couples homosexuels, en refusant d’unir ces deux personnes, vous leur avez manqué totalement de respect, jusqu’à refuser qu’un de vos adjoints puisse célébrer cette union alors que la loi le permet.
Vous vous plaignez des lois qui condamnent et sanctionnent les maires refusant de célébrer une union, et qui n’auraient pas de raisons légales de le faire, prétextant que ces dispositions sont illégitimes, c’est encore le simple citoyen qui doit vous rappeler que vous n’avez jamais contesté ces règles dès lors qu’elles étaient appliquées avant le vote du mariage pour tous. Ce qui est valable avant ne le serait donc plus désormais, sous prétexte que par conviction religieuse, vous ne pouvez pas célébrer, non pas « un type », mais bien un mariage tout court.
Si je comprends bien votre raisonnement, la loi pour vous serait à géométrie variable en fonction de vos convictions personnelles ou religieuses ?!? C’est bien ça ? Ce n’est pas l’idée que je me fais d’un(e) représentant(e) des lois de la république, c’est la raison pour laquelle je vous demande aimablement de bien vouloir donner une suite favorable à la demande de ces deux personnes (des êtres humains qui s’aiment, somme toute, rien de plus banal, certainement de la même manière que vous aimez votre mari).
Dans le cas contraire, vous n’êtes pas sans ignorer toutes les dispositions légales dont dispose tout « simple citoyen », même en qualité de tierce personne étrangère à la famille des demanderesses pour faire valoir ce que de droit, l’arsenal juridique en France ne manque pas pour faire appliquer une loi votée démocratiquement et non appliquée, avec comme circonstance aggravante à mes yeux de s’opposer à ce quelle puisse être conduite par une personne adjointe et habilitée à le faire, par la procédure de portage en partie civile par exemple…
Vous prétendez respecter les couples homosexuels et cependant, vous refusez d’appliquer une loi démocratique, républicaine dans une procédure civile de surcroît où vos convictions religieuses, tout en les respectant, n’ont donc pas leur place, vous savez que juridiquement, cela pose la question de la discrimination à l’égard de ces personnes, et qu’il est donc facile d’en conclure que votre attitude peut être qualifiée d’homophobe ?!?…
Je pense que cela ne vous a pas échappé, est-ce vraiment ce que vous souhaitez ? Au risque de faire retenir par la population qui souhaiterait découvrir votre ville et les environs comme étant une commune ouvertement homophobe où la reconnaissance de l’amour de deux personnes n’y est pas reconnue parce qu’une seule personne en a décidé, et sans tenir compte de l’avis des 52,05% de vos administrés qui n’ont pas voté pour vous ? Est-ce là votre vision de la démocratie, de la république ou de la laïcité ?!?…
Je veillerai personnellement à ce que la loi soit appliquée où qu’elle doive l’être et par des représentants qui en ont la légitimité tirée du peuple et par par leur bon vouloir lié à leurs convictions, n’y voyez aucune idéologie politique de ma part, je n’ai de carte nulle part, mais je vote bien tout le temps, à tous les scrutins, en bon républicain laïque, j’ai donc toute la légitimité à mon tour pour contester la vôtre au poste que vous occupez, et je vais m’y employer par tous les moyens à ma disposition pour que ces deux personnes puissent s’unir dans leur commune avec ou sans votre consentement ou votre présence, je pense que ce n’est plus très important à la lecture de votre parcours où la différence n’a visiblement pas sa place, où le citoyen semble vous appartenir corps et âme et où vous croyez pouvoir décider en lieu et place d’un peuple pour lequel vous revendiquez pourtant la souveraineté.
S’agissant d’un sujet aussi intime et privé que l’union de deux personnes qui s’aiment, je ne vous souhaite jamais que dans votre entourage proche, vous deviez refuser une union à vos propres enfants ou petits enfants au prétexte qu’ils sont homosexuels, quelle violence vous leur feriez à ce moment là, la même que celle que vous venez d’infliger à ces deux jeunes femmes, avec le facteur du degré de parenté en plus, certains emploieraient alors des qualificatifs que vous ne pourriez supporter dans votre coeur de mère et de femme tout simplement, car vous avez un coeur n’est-ce pas ?!?…
Je crois que ces insultes qui surviendraient vous paraîtraient trop indignes pour pouvoir les entendre ou les lire, et parce que dans vos convictions, aimer son prochain a un sens, on veut le bonheur à tout prix, comme le veulent ces deux personnes, ces deux êtres humains qui, parce que une seule personne l’aurait décidé, vont en partie avoir cet événement des plus importants dans l’existence, gâché par un entêtement et des arguments qui ne sont pas audibles d’un point de vue ni humain, ni législatif, quant au religieux, encore une fois, nous parlons d’une union civile, les murs de votre belle église de Bollène ne vont ni trembler ni s’effondrer face à ce qu’il faut encore une fois, qualifier de bel événement, célébrer l’amour, qu’y a-t-il de plus beau ?
Si ce mail reste lettre morte, j’aurais compris à quel point vous pourriez mépriser ceux que vous êtes censée représenter encore une fois, mais je ne suis pas influençable par ce que j’ai pu lire, et je vous fais confiance pour me répondre (directement serait l’idéal, en évitant toute « lettre type »), mais surtout, pour m’annoncer une bonne nouvelle, celle de la célébration de l’union de Amandine et Angélique dans votre commune (votre au sens citoyen bien entendu).
Dans cette attente, je vous prie de croire, Madame Le Maire, à l’expression de mes sincères salutations.
GONET Frédéric
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