Les députés s’apprêtent à passer le relais aux sénateurs.
Après les députés, les sénateurs. Le projet de loi sur le mariage et l’adoption pour les couples homosexuels, qui devrait être adopté au Palais Bourbon mardi, sera examiné au Sénat à partir du 18 mars. La Haute Assemblée devrait donner son feu vert à cette réforme. Les différents groupes de gauche disposent en effet de la majorité absolue au Palais du Luxembourg.
Une surprise, peu probable, n’est toutefois pas à exclure. Au Sénat, la majorité absolue dont dispose la gauche est modeste – 6 sièges seulement – et le PS a besoin du concours des communistes, des écologistes et des radicaux de gauche pour faire adopter un texte. Or, un ou deux sénateurs d’outre-mer apparentés au groupe PS ou au groupe PC pourraient être tentés de s’abstenir. Le 30 janvier, à l’Assemblée, lors du vote sur la motion référendaire défendue par l’UMP, Bruno Nestor Azérot, député autonomiste de la Martinique (apparenté PC) s’était abstenu. Jean-Philippe Nilor, député indépendantiste de Martinique (apparenté PC), avait même voté pour l’appel au référendum préconisé par la droite.
De même, il n’est pas sûr que le projet de loi sur le mariage et l’adoption pour les couples homosexuels fasse l’unanimité chez les sénateurs radicaux de gauche. Certains d’entre eux bénéficient des voix des grands électeurs UMP qui choisissent ainsi de barrer la route au PS là où la droite ne peut l’emporter. Ces sénateurs radicaux de gauche pourraient donc hésiter à mécontenter l’aile droite de leur électorat. A contrario, le gouvernement peut espérer que quelques sénateurs de droite s’abstiennent ou votent même en faveur du projet de loi. Alain Milon (UMP, Vaucluse) a ainsi indiqué qu’il l’approuverait. Les centristes, pour leur part, sont divisés. «Même si au sein du groupe UDI-UC les avis sont partagés sur la question, nous sommes tous d’accord pour trouver que ce texte est inopportun», a plaidé le président de groupe, François Zocchetto (Mayenne), lors de ses vœux à la presse.
Nouvelle manifestation nationale prévue le 24 mars
Un rejet-surprise du projet de loi par le Sénat, de surcroît, n’empêcherait nullement l’Assemblée d’avoir le dernier mot. En revanche, la procédure parlementaire s’en trouverait ralentie. Et les opposants à la réforme ne manqueraient pas de tirer argument d’un vote négatif de la Haute Assemblée alors qu’une nouvelle manifestation nationale est prévue le 24 mars.
L’hypothèse la plus plausible demeure un feu vert du Sénat au projet de loi. En revanche, il n’est pas du tout acquis que les sénateurs acceptent d’approuver le texte voté par les députés sans en changer une virgule, décision qui serait peu valorisante pour eux. Or, si les sénateurs adoptent des amendements avant d’approuver le texte, le projet de loi sera ensuite transmis aux députés pour une deuxième lecture. Avant de revenir au Sénat pour un ultime feu vert.
Pour abréger ce que les spécialistes appellent «les navettes» entre l’Assemblé et le Sénat, certains, à gauche, espèrent que les sénateurs vont accepter d’entériner le projet de loi sans aucun changement. «C’est possible à condition de bien travailler ce dossier en amont, a déclaré le président du Sénat, Jean-Pierre Bel, le 7 février sur Europe 1. Il faut prendre un certain nombre de garanties.» Le ministre chargé des Relations avec le Parlement, Alain Vidalies, a aussitôt tempéré ce pronostic. «(…) de ce que je sais, le Sénat exercera pleinement sa compétence. Nous aurons bien, sur ce texte, une nouvelle lecture après la lecture au Sénat».Le chef de file des députés PS, Bruno Le Roux, a lui aussi affirmé que l’objectif n’était «pas un vote conforme à tout prix». Une façon de ménager les sénateurs, attachés à leur image de sages soucieux d’un travail législatif de qualité. Pour l’heure, la commission des lois du Sénat, présidée par Jean-Pierre Sueur (PS, Loiret), multiplie les auditions sur ce sujet.
Guillaume Perrault