Le chiffre exact n’a aucune importance. Qu’il y ait eu hier dans les rues de Paris, 400 000 manifestants contre le mariage gay (chiffre de la police) ou 800 000 marcheurs (estimation des organisateurs), cela ne change rien à l’affaire. La manifestation fut incontestablement impressionnante. À ce titre, trois réflexions ou remarques.
1. Il suffisait d’observer les manifestants, de les écouter, de les interroger — ce à quoi je me suis astreint — pour se convaincre que la France catholico-conservatrice avait pris possession de la rue. Elle existe cette part de France, elle est capable de se mobiliser — la preuve est fournie — dès lors qu’elle considère l’une de ses valeurs essentielles — la famille traditionnelle en l’occasion — remise en cause par le Président de la République, son gouvernement et la gauche.
Le plus marquant ? Elle n’éprouve pas le moindre doute, cette part de France ; aucun argument d’aucune sorte, aucune réflexion, aucune analyse divergente ou dissidente n’entame sa conviction sur l’organisation de la famille et du mariage ou sa perception, trop souvent diabolisée, de l’homosexualité.
Bien sûr elle dérange, cette France-là ! Elle dérange d’ailleurs jusqu’aux responsables politiques de droite qui, pour la plupart d’entre eux, ont choisi depuis bien longtemps de parier sur la « modernité ».
Elle dérange, répétons-le, mais il n’y a pas d’autre choix que d’en tenir compte ; non pas de lui céder, mais d’être capable de l’écouter, de s’évertuer à un travail pédagogique envers cette France-là, même si elle est refermée sur elle même. Ce travail pédagogique, même Francois Hollande et les siens y sont contraints.
2. L’exigence d’un referendum portée par quelques responsables politiques UMP, notamment Nathalie Kocziusko-Morizet et Laurent Wauquiez, n’est évidemment qu’un piège grossier. Il est parfois utile, même à droite, d’avoir (un peu) de mémoire. Imaginons qu’en 1974, le président Valery Giscard d’Estaing, le premier ministre Jacques Chirac et le ministre de la Santé Simone Veil aient décidé de soumettre à referendum la loi sur l’interruption volontaire de grossesse. C’eut été une folie, la certitude d’une longue bataille culturelle, philosophique, historique d’une violence inouïe. Prés de quatre décennies plus tard, même cause, même effet. Il va de soi que le pouvoir politique, quel qu’il soit, doit avoir le courage de proposer, de défendre et surtout de faire passer un texte de loi, celui-là en l’occurrence.
3. Évoquons enfin l’homophobie. Il n’y eut apparemment pas de dérapage homophobe tout au long de cet immense cortège. Tant mieux, c’était une exigence et une marque de respect minimum. Et pourtant…
C’est bien la question de l’homosexualité, plus précisément encore le malaise envers l’homosexualité, qui viennent de ressurgir plein pot. Convenons-en : c’est navrant.
Maurice Szafran – Marianne