Aujourd’hui, les partisans du mariage pour tous sont appelés à défiler à Paris. Deux hommes, à Pont-l’Abbé (29), en couple depuis cinq ans, n’iront pas mais sont attentifs au débat actuel. Tout comme les deux enfants qu’ils élèvent en partie.
Sur la boîte aux lettres, à Pont-l’Abbé, quatre noms sont affichés. À l’intérieur, Chloé, 12ans, et son papa, François, attendent l’arrivée de Jean, qui rentre tard du travail, et de Vincent(*),15ans, le grand frère, occupé par son cours de piscine. «On est une famille normale», se justifie presque François,38ans. Le père de famille n’a jamais caché son attirance pour les hommes, même à sa femme avec laquelle il a vécu onze ans et a eu deux enfants. Après leur divorce, il y a cinq ans, il rencontre un premier compagnon et assume aux yeux de tous son homosexualité. Une étape qui s’est faite sans heurt, assure-t-il. Peu après, il se met en couple avec Jean, 44 ans. Les deux hommes ne se quittent plus et décident de vivre ensemble. «Mais il fallait qu’il accepte les enfants, qui vivent entre la maison de leur maman, installée tout près, et la mienne. C’était ça ou rien», se rappelle François.
«Jamais ressenti d’homophobie»
Pour Chloé et Vincent, âgés à cette époque de 7 et 10 ans, les choses se sont faites naturellement. «Je ne me souviens plus du jour où papa m’a expliqué qu’il était amoureux d’un garçon. Après, c’était comme ça». La petite fille s’est posé moins de questions que Jean, qui avait peur du regard des autres sur cette famille atypique. Quand il a été question pour Vincent d’inviter des copains à la maison, Jean a insisté pour prévenir les parents qu’il y avait deux hommes dans le foyer. «Finalement, les invités sont tous venus». Au fil du temps, le quadragénaire a pris une place de beau-père auprès des enfants. Il va les chercher à l’école, leur achète des vêtements… Même si certaines femmes de leur connaissance sont encore surprises de les voir repasser ou faire la cuisine -ce qui amuse beaucoup le couple-, ils n’ont jamais subi de brimades. «L’homophobie, je ne l’ai jamais ressentie ici», explique François. Malgré tout, le couple reste discret. «On ne se tient pas par la main, on ne provoque pas». Chloé, elle, dit ne pas être trop embêtée à l’école. Son papa sait que, comme son frère, un ado très discret, elle cherche à le protéger et ne raconte pas tout. «L’essentiel, c’est que lorsque je vais aux réunions à l’école, on me dit que mes enfants travaillent bien et qu’ils ont des amis».
Ni un choix ni une maladie
Ce qui fait mal à la famille, c’est plutôt certains discours entendus en ce moment à la télévision. «Les amalgames qui sont faits par certaines personnes sont effrayants», regrette Jean. Chloé a des opinions affirmées sur le débat. «Qu’est-ce que ça leur fait de voir des couples se marier? Ça ne change rien pour eux. Ils ne sont vraiment pas sympas!». Le couple attribue l’attitude des «anti» à une peur de l’inconnu. Ils avancent l’exemple de cette connaissance qui se dit contre le mariage pour tous, «sauf pour eux». Ils n’iront pas manifester à Paris aujourd’hui, même s’ils souhaiteraient se marier. Les deux hommes, qui ne sont pas militants, la regarderont devant la télé. En espérant qu’une idée sera véhiculée: «L’homosexualité n’est ni un choix, ni une maladie. Dans tous les cas, la vie est belle».
* Les prénoms ont été modifiés.
Camille Pineau