Une élue socialiste, soupçonnée d’avoir refusé de célébrer le mariage de deux femmes par conviction religieuse, sera jugée pour discrimination en raison de l’orientation sexuelle. Sabrina Hout, adjointe de Samia Ghali, maire (PS) des 15e et 16e arrondissements de Marseille et sénatrice des Bouches-du-Rhône, est assignée, le 12 mai, devant le tribunal correctionnel de Marseille par le couple, dont le mariage, célébré le 16 août 2014, avait dû être annulé par la justice. Sabrina Hout avait en effet signé les actes d’état civil, mais avait laissé à un conseiller d’arrondissement non habilité, Christian Lancien, le soin de recueillir le consentement des épouses. Fin octobre, le procureur de la République de Marseille avait classé l’enquête ouverte pour faux en procédant à un rappel à la loi de l’élue.
Sauf que le couple, contraint à un nouveau mariage – célébré le 14 février par Samia Ghali –, n’a toujours pas digéré l’événement et demande « une sanction ». Me Philippe Vouland, avocat des deux femmes, réclame la condamnation de l’élue pour « discrimination commise par une personne dépositaire de l’autorité publique, dans l’exercice de ses fonctions ». Il s’appuie sur l’enquête conduite à l’automne dernier. Selon une employée municipale, Mme Hout aurait déclaré « qu’elle était désolée ; qu’elle ne se sentait pas de célébrer le mariage homo car elle est musulmane et pratiquante ». D’après une autre fonctionnaire, l’élue aurait expliqué que « c’était contre ses convictions religieuses et qu’elle irait en enfer si elle le faisait ». Même argument avancé selon Christian Lancien : « Elle a dit que sa religion l’empêchait de célébrer le mariage. »
« Je ne suis pas homophobe »
Entendue par les policiers en septembre dernier, Sabrina Hout, 39 ans, agent hospitalier, avait expliqué qu’elle ne se sentait pas bien physiquement et était sortie de la salle des mariages. Preuve pour le couple qu’elle n’était pas victime d’un malaise, Mme Hout avait retiré le cavalier portant son nom pour le remplacer par celui de Saïd Ahamada, un autre adjoint.
Elle avait cependant procédé aux quatre autres unions programmées ce jour-là. L’élue se défend de toute discrimination : « Je ne suis pas une personne homophobe, je suis pratiquante de l’islam, mais en aucun cas je n’ai fait cela par rapport à ma religion. » Mme Ghali, qui lui a retiré sa délégation à la famille, assure que son adjointe est mortifiée par l’affaire. « En conseil d’arrondissement, elle a publiquement dit qu’elle n’avait pas l’intention de discriminer, qu’elle ne voulait pas faire de mal, déclare la sénatrice. Elle m’a même confié qu’elle avait honte et voulait s’excuser auprès des mariées. » Mais pour celles-ci, « il faut que cette illégalité soit reconnue pour que cela ne se reproduise pas. Les élus peuvent être catholiques, musulmans, mais ils doivent laisser leurs convictions religieuses à la porte de la mairie ».
Pour Me Etienne Deshoulières, avocat de l’association Mousse, qui lutte contre les discriminations sexuelles et dont la plainte a entraîné l’ouverture récente d’une nouvelle enquête préliminaire pour discrimination, le jugement à venir « donnera l’opportunité de contredire François Hollande qui, au moment du débat de la loi sur le mariage pour tous, avait évoqué une clause de conscience pour les élus. Or, ne pas procéder à un mariage, c’est une discrimination ».
Luc Leroux
Journaliste au Monde