Mère-porteuse : « Ma fille va cesser d’être une immigrée clandestine »

TEMOIGNAGE – Pour Marie, mère d’une fillette de 10 ans née grâce à la gestation pour autrui aux Etats-Unis, cette circulaire Taubira est une bonne nouvelle. Elle raconte son histoire à TF1 News.

Une circulaire sur la nationalité des enfants de mères porteuses nés à l’étranger a fait irruption mardi dans le débat sur le mariage homosexuel, l’UMP accusant le gouvernement d’ouvrir une brèche vers la gestation pour autrui (GPA), ce qu’il nie catégoriquement (Lire aussi : Taubira conspuée par la droite qui crie « démission ! »). Pour Marie, qui a eu sa fille grâce à une mère-porteuse il y a dix ans aux Etats-Unis, cette circulaire est une « formidable nouvelle ». Voici son histoire.

« La GPA, on en avait vaguement entendu parler »
« J’ai subi une ablation de l’utérus à l’âge de 20 ans suite à un cancer. Le mal d’enfant a suivi après le combat contre la maladie. Je suis avec le même garçon depuis mes 14 ans et on s’était toujours dit qu’on aurait des enfants ensemble. Là, j’ai compris que cela allait être très compliqué, voire impossible. Alors, on met ce désir de bébé dans un coin et puis on n’en parle plus, on s’interdit d’y penser. Mais la souffrance est là. Toujours là. Un jour, on a rencontré un médecin qui nous a parlé d’une autre solution : le recours à une mère porteuse. Mais on allait devoir se débrouiller seuls, la pratique étant interdite en France. La GPA, on en avait vaguement entendu parler. En entendre parler via un spécialiste la légitimise.

« La terre promise »
En 2000, on part à Los Angeles, en Californie. Il existe là-bas des agences de gestation pour autrui. Pour nous, c’est l’île aux enfants, la terre promise. Ces agences nous mettent en relation avec des gestatrices. En anglais, on les appelle les « surrogate ». Nous, on les appelle les ‘nounous’, jamais les mères-porteuses. Contrairement à ce que l’on peut croire, on ne les choisit pas sur catalogue. Ces femmes écrivent des lettres pour expliquer pourquoi elles font ça. Leur point commun ? Elles ne peuvent pas s’endormir le soir en pensant à celles qui souffrent de ne pas avoir d’enfant. C’est une envie humaine. Dans ce lot de missives, une femme vous touche plus qu’une autre. Lors de notre première rencontre, elle m’a dit « ne t’inquiète pas, je suis là ». On passe beaucoup de temps ensemble pour faire connaissance, se découvrir. Mon mari et moi avons fait trois allers-retours en Californie avant de débuter l’aventure GPA, 12-15 au total.

« Un faux-ventre »
Le processus est peu ou prou le même que pour une fécondation in vitro. J’ai un traitement de stimulation ovarienne, de son côté la nounou reçoit un traitement pour accepter les embryons. Vient le jour, où l’on me ponctionne mes ovocytes ; mon mari donne, lui, son sperme et des embryons se forment. Deux sont inséminés dans l’utérus de la nounou et l’attente commence. La troisième tentative a été la bonne, on l’a appris le soir de notre anniversaire de mariage. Si mon entourage était au courant, j’ai passé neuf mois avec un faux-ventre au boulot, notamment. J’ai terminé « ma grossesse » aux Etats-Unis.

Techniquement, c’est une immigrée clandestine »
Après la naissance de notre fille, qui a aujourd’hui 10 ans, nous sommes rentrés en France avec un acte de naissance américain. Sur le papier signé par un juge californien, il est écrit que je suis la mère et mon mari, le père. Le passage de la douane a été un moment éprouvant mais personne ne nous a rien dit. On est rentrés chez nous, on s’est enfermés et on a décidé d’être heureux avec notre fille. Elle a un passeport américain, techniquement, c’est une immigrée clandestine. Dans l’absolu, il n’y a pas de souci, on a pu l’inscrire à la Sécu, à l’école mais la problématique est autre quand on se met à voyager. Je ne me suis jamais rapprochée de l’Etat français. Je ne l’ai jamais déclarée par peur qu’on me la reprenne vue que la GPA est interdite dans l’Hexagone.

Une bonne circulaire, un mauvais timing
Pour nous, cette circulaire Taubira est évidemment une bonne nouvelle puisqu’elle demande aux tribunaux de ne plus refuser la délivrance de certificats de nationalité française au seul motif qu’ils concernent des enfants nés de mère porteuse à l’étranger. Aujourd’hui, certains tribunaux le refusent. C’est quitte ou double. Soit, vous passez à travers les gouttes, soit les ennuis judiciaires commencent. Mais si cette circulaire est une bonne chose, le timing du débat sur le mariage gay est mauvais. La GPA est une véritable solution pour les femmes à la stérilité utérine. »