Avec le pacs en mairie, le divorce par consentement mutuel sans juge, l’Assemblée nationale a voté le 19 mai dernier un amendement au projet de loi « justice pour le XXIe siècle », visant à simplifier le changement de sexe à l’état civil pour les personnes transsexuelles et transgenres.
« Plus qu’une simple normalisation administrative, la modification de la mention du sexe à l’état civil apparaît donc pour les personnes transgenres comme l’enjeu central de la protection de leurs droits fondamentaux », plaidaient les porteurs de la mesure. Le gouvernement s’était montré favorable aux amendements mais seulement sous réserve de modifications. Et c’est justement ces changements qui irritent les associations de défense des personnes « trans ».
Sur le fond, si les demandeurs ne sont plus soumis à une obligation d’intervention médicale, « ils doivent néanmoins démontrer qu’ils considèrent appartenir de manière sincère et continue au sexe opposé à celui mentionné sur son état civil » par « une réunion suffisante de faits ».
Ainsi, et de manière général, le Défenseur des droits salue, dans un avis publié vendredi 24 juin, « la volonté des parlementaires de combler ainsi un vide législatif et les avancées proposées par le texte, notamment la fin de l’exigence de preuve de l’irréversibilité de l’apparence et donc de la stérilité ». Mais il regrette toutefois que la procédure proposée reste médicalisée via la demande d’attestations médicales et que les critères d’ordre social demeurent flous. Ces derniers risquent de faire l’objet d’une évaluation et d’une interprétation subjective, donc variable d’un juge à l’autre.
Auparavant, chaque demandeurs, représentés obligatoirement par un avocat, devait déposer sa requête auprès d’un tribunal de Grande instance. Une procédure jugée « longue et coûteuse », d’où l’amendement déposée par les députés : il prévoyait d’attribuer ces compétences au Procureur de la République. Mais le gouvernement n’a pas souhaité suivre ces recommandations, maintenant cette compétence au TGI.
Par conséquent, dans le sillage des Etats danois, maltais et irlandais, et comme l’envisagent actuellement d’autres Etats européens, le Défenseur des droits recommande au gouvernement de mettre en place une procédure déclarative rapide et transparente auprès de l’officier d’état civil qui lui paraît comme étant la seule procédure totalement respectueuse des droits fondamentaux des personnes trans, tels que garantis notamment par l’article 8 de la CEDH.
En l’état actuel du droit, rien ne fait obstacle à ce qu’un officier d’état civil modifie l’état civil d’une personne puisque le principe de l’indisponibilité de l’état de personnes — ou plus concrètement, l’immutabilité – n’est pas un principe absolu auquel le législateur ne peut déroger. En revanche, le législateur peut délimiter le périmètre de disponibilité de l’état civil et décider d’établir une procédure déclarative pour modifier la mention du sexe à l’état civil. L’officier d’état civil pourrait donc enregistrer le changement de la mention du sexe en se fondant sur la présentation d’un formulaire rempli par la personne transidentitaire tout comme il peut, par exemple, modifier l’état matrimonial d’individus lors de l’enregistrement d’un mariage et pourrait modifier le prénom comme le prévoit l’article 18 quater (nouveau) du projet de loi.
En cas de doute réel et sérieux sur le consentement libre et éclairé du demandeur, l’officier d’état civil pourrait saisir le procureur de la République conformément à d’autres procédures en matière d’état civil. A ce titre, le Défenseur des droits rappelle que l’officier d’état civil agit toujours sous le contrôle et l’autorité du procureur de la République et qu’il doit le saisir notamment en cas de fraude.
De plus, si la logique de la procédure déclarative est de permettre un changement sans condition, le Défenseur des droits préconise cependant que toute éventuelle nouvelle demande de changement soit soumise à une décision du président du Tribunal de grande instance afin d’assurer la stabilité de l’état des personnes.
Enfin, le Défenseur des droits souligne que la future législation ne pourrait intervenir sans avoir tranché sur plusieurs sujets qui découlent du principe déclaratif :
- l’ouverture de la procédure aux mineurs ou aux seuls majeurs ;
- les effets dans le temps, c’est-à-dire l’éventuelle rétroactivité, du changement d’état civil ;
- le caractère raisonnable du délai de réalisation de la procédure ;
- les éventuelles conséquences en matière de filiation.