Plus d’une semaine après le viol collectif d’une jeune femme dans un bus de New Delhi, de violentes manifestations continuent de secouer le pays. Le Premier ministre Singh lance un appel au calme. Le point sur l’affaire.
Ils ne décolèrent pas. Plus d’une semaine après le viol collectif perpétré sur une jeune femme dans un bus de New Delhi, les Indiens continuent de manifester, réclamant plus de sécurité et une meilleure prise en compte des plaintes pour agressions sexuelles. Ce dimanche, ils étaient encore plusieurs milliers dans les rues de la capitale. Selon la police, une centaine de personnes, dont 60 policiers, auraient été blessées lors des rassemblements, interdits dans le centre-ville après de précédentes violence en fin de semaine.
La victime, une étudiante kinésithérapeute de 23 ans, a été violée le 16 décembre avant d’être battue avec une barre de fer et jetée hors d’un bus. Elle rentrait du cinéma avec son compagnon de 28 ans, lui aussi roué de coups. Souffrant de graves blessures intestinales, elle est toujours hospitalisée en soins intensifs et son état s’est récemment détérioré, les médecins jugeant toujours son pronostic vital engagé. Les six suspects, dont le chauffeur du bus, ont été arrêtés.
New Delhi, « capitale du viol »
Le fait-divers, sordide, aurait pu rester tristement banal dans un pays où les viols et agressions contre les femmes ont plus que doublé entre 1990 et 2008. New Delhi figurerait en tête des villes indiennes les moins sûres, avec 489 cas recensés en 2010 contre 459 en 2009, ce qui lui vaut le surnom de « capitale du viol ». Mais l’affaire a pris au contraire une tournure exceptionnelle, au point que le Premier ministre Manmohan Singh a été contraint ce lundi d’appeler au calme.
Il y a une colère et une angoisse réelles et justifiées après cet événement atroce, a-t-il déclaré à la télévision. Je suis sincèrement attristé par la tournure des événements qui ont mené à des affrontements entre les manifestants et la police. Je vous assure que je vais faire tous mes efforts pour assurer la sécurité de toutes les femmes de ce pays. » Sonia Gandhi, la chef du parti du Congrès au pouvoir, a qualifié le viol de sujet de honte pour la capitale, qui mérite « l’attention urgente du gouvernement ».
Le ministre de l’Intérieur, Sushilkumar Shinde, a de son côté annoncé que les bus dotés de vitres teintées et de rideaux ne seraient plus autorisés à rouler, une mesure devant prendre effet immédiatement. Le gouverneur de Delhi, Tejinder Khanna, a dû abréger ses vacances aux Etats-Unis. Et si l’Inde prévoit en théorie dix ans de prison pour les violeurs, le chef de la police de la ville, comme des élus de l’opposition, réclame la peine de mort pour les coupables.
20 accusés de viols candidats à des élections
Plus largement, les manifestants dénoncent aussi le climat de misogynie et la banalisation du harcèlement sexuel, notamment dans les transports, qui prévalent encore largement en Inde. Une étude publiée cette semaine par un groupe de réflexion, l’Association pour des réformes démocratiques (ADR), dénonce par exemple le fait que « depuis 2007, les partis politiques ont sélectionné 20 hommes accusés de viol comme candidats à des élections locales ». La police, quant à elle, est depuis longtemps accusée de faire peu de cas des plaintes de femmes agressées, souvent jugées responsables de leur sort.
Chose rare à New Delhi, la police a répliqué ces derniers jours avec des tirs de gaz lacrymogènes et de canons à eau, un usage de la force qui fait aussi polémique. « La police est coupable d’avoir utilisé une force disproportionnée, dénonce par exemple un éditorial du quotidien The Times of India,. (…) Le gouvernement n’a pas compris que ces manifestations sont le signe que la population est bien décidée à ne pas rester un spectateur muet devant l’apathie administrative et la médiocre gouvernance. »