Des dizaines d’Israéliens juifs pratiquants ont révélé sur Internet leur orientation sexuelle. C’est la première campagne de ce genre dans un pays ou la communauté des juifs ultra-orthodoxes continue d’avoir beaucoup d’influence.
Intitulée « Nos Visages », la campagne initiée par Bat Kol, une association de lesbiennes pratiquantes, et Havruta, son équivalent chez les hommes, ainsi que l’organisation des Jeunes Gays d’Israël, a pour objectif de permettre aux Israéliens membres de la communauté LGBT de montrer avec fierté leur orientation sexuelle, et surtout d’encourager ceux qui n’osent pas le faire à franchir le pas.
« Comme vous, nous étions dans des yéshivas (les écoles religieuses, NDLR), dans des séminaires, à l’armée. Comme vous nous avions peur de partager notre histoire. Mais nous voilà, forts et à découvert, et nous vous invitons à lire une petite partie de notre histoire qui pourrait vous aider à vous sentir en sécurité », écrit l’un des protagonistes.
Pour les instigateurs de cette campagne, le plus important reste de montrer qu’on peut tout à fait être religieux et homosexuel, une notion que les extrémistes continuent de rejeter en bloc.
« Vous avez des amis qui sont comme vous. Nous, gays et lesbiennes, qui avons grandi dans des foyers ultra-orthodoxes, connaissons le sentiment de solitude, d’aliénation, de suffocation. Nous connaissons la période de découverte et de prise de conscience, peu à peu, que nous sommes différents des autres ».
Les déclarations, accolées à la quarantaine de portraits publiés sur les réseaux en fin de semaine dernière, témoignent d’un malaise toujours très présent au sein de la communauté LGBT israélienne.
Rappelons en effet que malgré les avancées du gouvernement en matière de droits pour les gays et lesbiennes, Israël reste un pays plein de contradictions. Alors même que les ultra-orthodoxes avouent accueillir des gays en leur sein, l’organisation de la gay-pride demeure une bataille chaque année, avec parfois des évènements tragiques. En 2005 notamment, trois personnes ont été poignardées durant la gay-pride de Jérusalem. Le criminel ultra-orthodoxe, après avoir purgé 10 ans de prison, a récidivé en 2015, faisant cette fois une victime (EnLire+ https://www.stophomophobie.com//israel-le-meurtrier-de-la-gay-pride-a-jerusalem-inculpe/).
« L’idée de cette campagne part du principe que pour nous, les gens changent plus facilement d’avis sur les homosexuels lorsqu’ils les voient et les identifient. Si vous entendez juste parler des homosexuels autour de vous ou à travers les médias, votre vision sera plus fermée que si vous connaissez quelqu’un, un ami, un voisin, un enseignant et apprenez qu’il ou elle est gay ou lesbienne », explique Daniel Jonas, le président de Havruta.
Mais il s’agit aussi de montrer qu’il y a des homosexuels partout, y compris dans les communautés et les familles religieuses. Les 44 hommes et femmes qui se sont portés volontaires viennent de tout le pays, ont des origines différentes, ont fréquenté des écoles différentes, mais tous partagent le fait d’être pratiquants, croyants, et homosexuels.
« Le soir du jour sacré de Simchat Thorah, alors que nous venions de finir de dîner, j’ai dit à mes parents : « j’ai un petit ami ! ». Mon cœur battait fort (…) mais je ne pouvais plus continuer à mentir. Quelques minutes plus tard (…) mon père nous a tous servi un verre de whisky et a crié « Lechayim ! » [toast qui signifie : « À la vie! »] », souligne Daniel Jonas sur son portrait.
« Je suis marié à un homme, comme moi issu d’une famille orthodoxe. Ça ne nous empêche pas d’être pratiquants. Nous avons eu la chance que nos familles nous acceptent comme nous sommes, assistent à notre mariage, mais ce n’est pas le cas du tout dans toutes les familles. Si on regarde la Torah, il est écrit qu’il est interdit pour deux hommes d’avoir des relations sexuelles ensemble, ce que certains continuent d’invoquer pour ne pas nous accepter. En même temps, il est écrit juste après qu’une femme doit procéder à un bain rituel chaque jour pendant ses règles, pour se purifier. Ne pas le faire est considéré comme étant un pêché du même niveau que la relation homosexuelle, mais personnellement, je n’ai jamais entendu un rabbin dire à un couple de suivre cette règle.
Le but de notre démarche, finalement, c’est de donner l’espoir d’une vie meilleure aux homosexuels pratiquants qui sont rejetés par leur famille Cette campagne est dans le prolongement d’une première action entreprise en août dernier : nous avions publié dans un journal conservateur une liste d’étudiants d’écoles religieuses qui s’assumaient homosexuels. Il y avait eu des réactions de parents, appelant certaines écoles en leur disant que cela dégradait la réputation de l’école. »
Les deux associations prévoient également une campagne d’affichage dans la rue, pour interpeller encore davantage la population.