Changement de registre pour Roland Emmerich : le réalisateur d’Independence Day, Godzilla ou 2012 revient avec Stonewall, un film inspiré des événements du 28 juin 1969, jour clé dans la lutte pour la reconnaissance des droits des personnes homosexuelles aux US.
S’il n’a jamais de problèmes à trouver le financement de plusieurs centaines de milliers de dollars pour un film catastrophe, Roland Emmerich a eu toutes les misères du monde à amasser les fonds nécessaires pour mettre sur pied un long métrage de fiction sur les émeutes de Stonewall. «Cela a été une bataille incessante, mais nous y sommes finalement arrivés», a indiqué, lors d’une entrevue à un média américain, celui qui voulait initialement tourner Stonewall à New York, sur les lieux mêmes des événements. «Mais nous avons lamentablement échoué, c’était trop cher».
[spacer]
[spacer]
Le contexte
Dans les années 1960, les gays et lesbiennes ne sont pas considérés comme des personnes à part entière, bénéficiant des mêmes droits que les hétérosexuels et les transsexuels, travestis, etc. sont encore moins bien vus. Rares sont les bars qui accueillent ouvertement les membres de la communauté LGBT – qui n’existe pas encore en tant que telle – et les descentes de police dans ces lieux sont extrêmement fréquentes. Dans le quartier de Greenwich Village à New York, le Stonewall Inn, un bar qui appartient à la mafia, est une exception. Mais, aux petites heures du matin du 28 juin 1969, les autorités new-yorkaises effectuent une descente. Spontanément, le conflit éclate, les gays et lesbiennes refusant d’être soumis à ce genre de harcèlement.
Moment pivot de la lutte pour les droits des homosexuels, les émeutes de Stonewall ont donné naissance aux premiers groupes d’activisme, aux premiers bars ouvertement homosexuels. Et, ce n’est pas un hasard si le tout premier défilé de la « pride » aura lieu également à New York.
«Je savais qu’il n’y avait pas un seul personnage principal lors des émeutes de Stonewall», a souligné le réalisateur. Le scénario écrit par Jon Robin Baitz (scénariste de télévision, qui a amplement collaboré à Brothers and Sisters ou encore à The Slap) est donc de la fiction, même s’il inclut des personnages désormais emblématiques de cette lutte tels que Marsha P. Johnson, Sylvia Rivera, ou encore Ray Castro. Le long métrage s’articule autour de Danny (Jeremy Irvine, vu dans Cheval de guerre), un jeune homme mis à la porte de la maison familiale, en quête d’amour, et qui se retrouve à New York où il découvre le Stonewall Inn. Au générique, on trouve Ron Perlman en Ed Murphy, le patron du bar, Jonathan Rhys Meyers en Trevor, l’amoureux de Danny, Joey King (la préadolescente vue dans Maison-Blanche en péril) en Phoebe, la sœur de Danny… en plus de Yan England!
Un tournage émotif
Dans une interview avec le magazine américain The Advocate, Roland Emmerich a détaillé son processus. «J’ai examiné tous les films gais qui ont été faits – et bien faits – comme Philadelphie, Souvenirs de Brokeback Mountain ou Milk. Il y a toujours quelqu’un qui meurt dans ces films! On dirait qu’il faut que le sujet soit enveloppé d’une attitude sombre. Oui, il y a des moments sombres dans Stonewall, mais notre film est une célébration du fait d’être homosexuel et du fait de sortir du placard. Nous montrons des jeunes qui n’ont pas peur d’être identifiés comme homosexuels, la seule chose qui les dérange est qu’ils soient tabassés parce qu’ils le sont, que la société soit contre eux et qu’il y ait des descentes régulières dans les bars qu’ils fréquentent. Ils veulent la liberté d’être eux-mêmes.»
«Quand je regarde ce que ces jeunes ont fait, je suis admiratif. Ils n’avaient rien à perdre. Aujourd’hui, le fait d’être homosexuel n’est plus important et c’est un progrès. Je me souviens de cette phrase célèbre d’un membre du mouvement des Black Panther qui était venu faire un tour pendant les émeutes de Stonewall pour voir ce qui se passait. Et il avait dit: « Ce sont les gars efféminés qui se battent le plus fort ». La phrase m’est restée en tête parce que, traditionnellement, nous les gais, avons tendance à regarder les mecs efféminés de haut. Et c’est pourquoi je voulais en faire les héros du film.»
Pas question pour Roland Emmerich de tomber dans le piège de ne prendre que des acteurs de la communauté pour tenir les rôles. Pour lui, le processus de distribution des rôles ne doit pas tenir compte de l’orientation sexuelle. «Certains acteurs sont homosexuels, d’autres non. C’est un progrès», a indiqué le cinéaste de 59 ans qui a fait son coming out par étapes lorsqu’il était dans la trentaine.
Jeremy Irvine, qui incarne le personnage principal Danny, a abordé le film de la même manière. «En ce moment, il se fait énormément de nouvelles versions. Quand j’ai lu le scénario de Stonewall, j’ai vu à quel point le film était original. Je voulais tellement le rôle. J’ai d’ailleurs pleuré en lisant le scénario. Quand j’ai passé les auditions, j’étais en train de tourner avec Colin Firth, qui a joué dans Un homme au singulier, l’un de mes films préférés. Il avait indiqué qu’il n’avait jamais eu peur de jouer un gay. Nous sommes des acteurs en fin de compte.»
Un film qui ne fait pas l’unanimité
Le long métrage au budget de 20 millions $ n’est pas encore sorti qu’il a déjà généré la controverse. Ce n’est pas la droite conservatrice américaine qui s’est insurgée contre le film au moment de la diffusion de la première bande-annonce le mois dernier, mais de nombreux membres de la communauté LGBT.
En effet, une pétition a été mise en ligne appelant au boycottage de Stonewall, de nombreux activistes trouvant que, d’après les images de la bande-annonce, Roland Emmerich n’avait pas suffisamment insisté sur le rôle des noirs, des travestis et des transsexuels. Via sa page Facebook, le cinéaste a demandé au public d’attendre de voir le film avant de se prononcer, rappelant que l’ensemble des communautés était représenté dans le long métrage.
Le film sortira en salles aux Etats-Unis le 25 septembre prochain mais toujours aucune date de prévue pour la France.
[spacer]
avec : fr.canoe.ca