Pour la première fois sans doute de l’histoire d’une Marche des Fiertés, c’est le silence d’une foule recueillie qui a marqué les premières minutes du défilé, encadré par de nombreux policiers. Puis la sono crachant la techno traditionnelle a repris ses droits. Malgré la tristesse, Chris est venu faire la fête. « Je pense que c’est très important qu’on ait cette marche qui célèbre leur vie et qu’on ne reste pas dans la tristesse », confie-t-il.
Surprenant les spectateurs qui agitaient des drapeaux aux couleurs arc-en-ciel, Hillary Clinton, ancienne sénatrice de New York en pleine campagne électorale s’est ralliée, tout sourire, au cortège en plein coeur de Manhattan.
En 2015, c’est l’euphorie qui avait dominé le rassemblement, juste après la légalisation du mariage homosexuel par la Cour suprême américaine. Une décision à nouveau saluée par l’ancienne secrétaire d’Etat: « Il y a un an, l’amour triomphait dans notre plus haute cour. Et pourtant les Américains LGBT font encore face à trop de barrières. Continuons à manifester jusqu’à ce que ce ne soit plus le cas », a écrit sur Twitter Hillary Clinton, arborant les couleurs arc-en-ciel symboles de la fierté homosexuelle sur son profil Twitter.
Mais le deuil c’est cette fois mêlé à l’ambiance festive de l’immense marche des Fiertés célébrée sous un grand ciel bleu. Il y a deux semaines exactement, l’Amérique s’était réveillée en apprenant qu’un homme ayant plaidé allégeance à l’Etat islamique avait tiré dans un night-club à Orlando (sud-est), faisant 49 morts et 53 blessés dans le pire massacre par armes à feu de l’histoire du pays. « Nous ne vivrons pas dans la peur », pouvait-on lire sur une grande pancarte colorée. Vêtus de blanc, le visage couvert d’un voile, des manifestants portaient autour du cou la photo et le nom de victimes d’Orlando.
Barbara Poma, la propriétaire du club attaqué, le Pulse, a défilé en tête du cortège.
Le maire de New York Bill de Blasio avait enjoint les Américains à venir nombreux manifester. Malgré les mesures de sécurité renforcées, il s’est voulu rassurant: « Nous comptons sur une présence policière extraordinaire afin de s’assurer que nous allons non seulement organiser le plus gros défilé mais aussi le plus sûr que nous n’ayons jamais eu. » Subhi Nahas, un réfugié syrien qui a témoigné devant le Conseil de sécurité de l’ONU sur les exactions perpétrées contre les homosexuels dans son pays par le groupe Etat islamique, a confié son inquiétude: « C’est comme si un accident avait bouleversé notre sentiment de sécurité ici aux Etats-Unis, très profondément car on était venus pour se sentir en sécurité. »
« Chaque défilé a sa raison d’être mais cette année, elle est particulièrement profonde, non seulement pour New York mais aussi pour les Etats-Unis et je dirais même pour le monde entier », a confié Pedro Lugo, un enseignant à la retraite de 56 ans. Brittany Sheidy a pris un bus tôt le matin dans l’Etat voisin de la Pennsylvanie pour venir apporter son soutien à ses amis LGBT.
« Malgré ce qui s’est passé à Orlando, nous ne baissons pas les bras », a déclaré cette jeune femme de 21 ans. Après l’attentat, le pays s’est rapidement retrouvé dans l’impasse politique autour du durcissement des lois sur les armes à feu qui suit chaque fusillade. Un débat très présent dans le défilé. « Ce qui s’est passé à Orlando me rend furieuse », avait confié la veille Mari Gustafson, membre de l’association new-yorkaise « Gays Against Guns » (« les gays contre les armes »), créée après la fusillade d’Orlando. « Combien de gays, d’hétérosexuels, de gens en général vont devoir se faire tirer dessus? » avant que les lois ne changent, avait-elle lancé.
Après avoir descendu le célèbre Cinquième avenue, le cortège a mis le cap sur Greenwich Village où se trouve le lieu le plus emblématique du mouvement pour les droits LGBT aux Etats-Unis: le Stonewall Inn.
C’est là qu’avaient éclatées, après une descente de police, des émeutes le 28 juin 1969 considérées comme le catalyseur du mouvement. Dans un geste sans précédent, le président Barack Obama a justement élevé vendredi ce site au rang de monument national. Commémorant cette date, d’autres marches des Fiertés étaient également organisées à travers les Etats-Unis, notamment à San Francisco et à Chicago où des milliers de personnes rendaient aussi hommage aux victimes d’Orlando.