Human Rights Watch et la Fondation arabe pour les libertés et l’égalité (Arab Foundation for Freedoms and Equality, AFE) se sont associées pour lancer, ce lundi 16 avril, au Liban une campagne, relayant des témoignages d’anonymes et personnalités publiques, dont l’écrivain marocain Abdellah Taïa ou Hamed Sinno, chanteur du groupe libanais Mashrou Leila.
« Je me sentais un monstre (…). Ce que je ne comprenais pas à l’époque c’est que je n’avais pas de problème, que c’est les gens autour de moi qui avaient un problème », raconte Hamed Sinno. « Je ne pensais pas que j’aurai le courage de faire face à la société et dire : Je suis gay que ça vous plaise ou non », confie Abdellah Taïa.
Intitulée « No longer alone » (« Plus jamais seul.es »), cette campagne s’appuie en outre sur un rapport, « L’audace face à l’adversité : Activisme en faveur des droits LGBT au Moyen-Orient et en Afrique du Nord », recensant les entretiens de 34 autres activistes de 16 pays arabophones du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord.
Ces militants « défient la répression exercée par certains États et la stigmatisation sociale », insistent les organisations, dénonçant des « violations graves et omniprésentes des droits humains », des exécutions extrajudiciaires aux arrestations collectives, en passant par la censure du discours pro-LGBT.
En 2001, il n’y avait aucune association de défense des droits LGBT dans les pays arabophones. En 2017, il y en a des dizaines, qui se battent désormais pour faire décriminaliser l’homosexualité, mettre fin aux lois discriminatoires ou faire interdire les tests anaux. Mais en septembre de la même année, au moment où Human Rights Watch rédigeait son rapport, les forces de sécurité égyptiennes réprimaient des personnes et activistes LGBT, accusés de « débauche », d’« incitation à la débauche » et de participation à un « groupe illégal ». Des dizaines d’individus ont ainsi été arrêtés suite au déploiement d’un drapeau arc-en-ciel, pendant un concert. Même dans un contexte aussi difficile, les activistes ont pourtant su faire preuve de créativité et de dynamisme, en formant de nouvelles coalitions pour répondre à la répression, en donnant refuge en urgence aux personnes LGBT traquées par la police, et en mobilisant l’opinion internationale pour faire pression sur le gouvernement égyptien.
« Nous ne voulons plus de cette image qui nous pose en simples victimes », explique Zoheir, un activiste algérien. « Nous voulons parler de la réalité, de la violence, mais aussi [montrer ce qui est] positif ».
« Je suis un être humain comme les autres et j’ai des droits. Je vais défendre ces droits », explique Ahmed, un homosexuel libyen.
« Des personnalités religieuses, le gouvernement ou vos parents – tous veulent avoir leur mot à dire sur ce que vous faites entre les jambes. Ce que je veux vous dire, c’est que ce n’est pas leur problème, que votre corps, vos désirs, vos idées sont à vous, et à vous seuls. S’ils n’aiment pas ce que vous êtes, ils ont tort. », martèle Rima, Libanaise et bisexuelle.
« HRW recense habituellement les violences et les choses horribles (…) mais nous avons pensé qu’il était important de mettre en lumière les succès pour montrer que cette région n’est pas un trou noir, qu’il y a des mouvements qui agissent pour le changement », explique Neela Ghoshal, chercheuse chez HRW pour les questions LGBT.
Dans certains pays, comme l’Arabie Saoudite ou les Émirats arabes unis, l’homosexualité peut être sanctionnée de la peine de mort. Dans ce contexte, seul le Liban semble offrir à la communauté un répit, très relatif puisque des descentes de police visent parfois les bars et établissements pro-LGBT. « Dans cette campagne, nous avons des gens de différents pays arabes qui envoient le message : Vous n’êtes pas tout seuls; qui disent : Si vous avez besoin de soutien, vous en aurez », insiste le directeur de l’AFE, Georges Azzi.
Mais si les vidéos visent d’abord la communauté LGBT, les ONG espèrent toucher aussi un public plus large. « Les gens ont peur des choses qu’ils ne connaissent pas, nous mettons des visages sur les gens de la communauté LGBT », ajoute M. Azzi.
« En changeant les mentalités, ça peut mettre la pression sur les politiciens. Les réseaux sociaux sont un outil très important pour nous, surtout dans les pays où les médias sont contrôlés par l’Etat. Les réseaux sociaux sont le meilleur moyen de toucher des gens que nous ne toucherions pas à travers les médias traditionnels ».