PMA et GPA: l’enquête « secrète » de l’Académie de médecine

Un questionnaire confidentiel vient d’être envoyé aux gynécologues pour faire l’état des lieux de ces pratiques.

Est-ce un «petit pas vers la PMA et la GPA pour tous», comme aimeraient le croire certaines associations de familles homoparentales?

Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’en matière d’éthique médicale l’initiative est inédite. Un questionnaire portant sur leur expérience et leur opinion sur l’assistance médicale à la procréation (PMA) pour les couples de même sexe vient d’être adressé aux gynécologues obstétriciens par l’Académie nationale de médecine. Cette «enquête confidentielle», menée «notamment» pour le compte de l’Académie, explique une lettre d’accompagnement, et avec l’aide du Collège national des gynécologues obstétriciens français, s’inscrit dans le cadre d’un «groupe de réflexion sur l’ouverture éventuelle de la PMA et de la GPA à des indications non médicales». Un rapport prenant en compte les résultats de cette enquête, précise le courrier, sera rédigé avant la fin de 2013…

La lettre, signée des professeurs Pierre Jouannet et Roger Henrion, tous deux spécialistes de PMA, est explicite: «Lors des débats (sur la loi Taubira, NDLR),les possibilités d’ouvrir l’accès de ces couples à la PMA et à la gestation pour autrui (GPA) ont régulièrement été évoquées, écrivent-ils. Ces possibilités seront peut-être prévues dans de prochains projets de loi après un débat qui devrait être organisé sur le sujet, notamment par le Comité consultatif national d’éthique.» Quant au questionnaire, il porte sur le nombre de «couples homosexuels souhaitant devenir parents» reçus en 2011 et en 2012 et les «types de demande» (PMA ou GPA, en France ou à l’étranger). Il se termine par les questions: «Pensez-vous que la PMA devrait être accessible aux couples homosexuels en France? Si oui, devrait-elle être prise en charge par les caisses d’assurance-maladie?» Sont ensuite demandés des renseignements sur l’âge et le lieu d’exercice du médecin, qui peut rester anonyme.

Ce gynécologue obstétricien, qui a contacté Le Figaro après avoir reçu le courrier, n’a pas de mots assez forts pour condamner la démarche. «C’est un scandale invraisemblable!, s’offusque-t-il. On nous demande carrément si on transgresse la loi! Et si on est pour la PMA et la GPA pour les homosexuels! Tout cela émanant d’une haute instance morale qui a pour vocation de conseiller le gouvernement…» Ce médecin raconte avoir refusé une PMA à un couple de lesbiennes, «non par homophobie, mais parce que la loi ne l’autorise pas». Ce qui ne l’a pas empêché, «sans rien dire», de «suivre la grossesse de plusieurs femmes s’étant fait inséminer à l’étranger». Mais là, le gynécologue «sent le piège» : «Le médecin qui fraude et qui reçoit cela, il est déculpabilisé!, analyse-t-il. Il y a donc une volonté de préparer les esprits, de dire “puisque ça se passe à l’étranger, pourquoi pas en France?”, puis de mettre la loi en accord avec certaines pratiques marginales.»
Cinq ans de prison et 75.000 euros d’amende

Même stupéfaction chez les professionnels de Gènéthique, un site d’information et d’analyse de l’actualité en bioéthique. «Comment ne pas penser que l’objectif réel de cette enquête s’inscrit dans la même logique que la circulaire Taubira sur la GPA, c’est-à-dire qu’elle se propose de partir de la réalité de quelques cas contra legem pour faire changer la loi?, s’interroge l’équipe . Comment l’Académie nationale de médecine peut-elle demander à ses propres confrères d’avouer des comportements considérés à ce jour contraires à la déontologie médicale et à l’ordre public français?» La Direction générale de la santé, relayée par l’Ordre national des médecins en décembre dernier, avait d’ailleurs rappelé qu’un praticien qui se prêtait à ce type de conseil risquait cinq ans de prison et 75.000 euros d’amende.

«Il est légitime de savoir si des médecins sont consultés par des couples du même sexe et comment ils réagissent !, réplique le Pr Jouannet. Cette enquête étant confidentielle, je ne veux pas polémiquer.» Au ministère de la Santé, on affirme ne pas avoir été associé à cette initiative. Alice Coffin, du collectif Oui oui oui, qui défend «l’ouverture à toutes et tous du mariage, de l’adoption et de la PMA», ne se fait «de toute façon plus trop d’illusion». «Nous avons décidé de lancer un réseau de désobéissance civile, un peu comme pour l’avortement en son temps», rapporte-t-elle.

Porte-parole de l’Association des parents et futurs parents gays et lesbiens (APGL), Doan Luu affirme au contraire que cette enquête représente «un grand espoir». Ce questionnaire confidentiel a été transmis à l’APGL par un médecin, «de manière à ce que nous le diffusions à tous nos adhérents, raconte Doan Luu. Il est déjà sur notre forum, et certaines m’ont raconté l’avoir envoyé à leur gynéco avec une enveloppe timbrée, pour qu’ils n’aient qu’à le renvoyer». «Enfin, on prend conscience qu’il faut faire un état des lieux!, s’exclame-t-il. Attendons les résultats! Mais je précise que, même si on est une minorité, ce n’est pas pour cela qu’il ne faut pas légiférer…»

Quatre sénateurs PS ont déposé  une proposition de loi sur la PMA

Les sénateurs non plus n’attendent pas l’avis du Comité consultatif national d’éthique. Une proposition  de loi sur l’assistance médicale à la procréation pour les couples de même sexe vient d’être déposée au Sénat, le 19 juillet, par quatre socialistes. «En ouvrant le droit pour les personnes de même sexe d’adopter, la loi a affirmé que les couples homosexuels peuvent former une famille, être parents et élever des enfants. Cette proposition de loi y fait naturellement suite, écrivent les quatre sénateurs. Parce que nous défendons tout ce qui peut contribuer à permettre aux couples de même sexe de vivre comme  les autres, nous voulons leur donner accès à ce que notre société permet dans un souci d’égalité. C’est ainsi  que l’intégration des personnes homosexuelles progressera et que  les diverses formes de stigmatisation qu’elles subissent disparaîtront.» «Le 28 juin 1978, poursuivent-ils,  le Sénat votait la dépénalisation de l’homosexualité par un amendement du gouvernement reprenant une proposition de loi d’Henri Caillavet.  Le Sénat avait été précurseur. Soyons-le de nouveau, pour  que cette avancée nous apparaisse  le plus rapidement possible comme une évidence.»

Par Stéphane Kovacs (lefigaro.fr)