PMA, GPA, Homoparentalité: chacun sa place !

Dans une Tribune parue sur Liberation le 3 avril 2014, le Dr Jean-Philippe WOLF s’interroge sur le droit futur des enfants conçus par AMP (Assistance Médicale à la Procréation) au sein des familles homoparentales. Il fait culminer sa démonstration par la réflexion suivante: « rien ne garantit que les enfants demain ne revendiqueront pas le droit d’avoir un père dans le cas de mères lesbiennes ou une mère pour les parents gays. Et que s’ils le font, on aura l’air malin « .

Ce « raisonnement » est d’autant plus douteux qu’il ne semble s’appliquer qu’aux enfants issus des familles homoparentales. Pourquoi un enfant adopté par une femme célibataire hétérosexuelle n’aurait-il pas plus le droit de revendiquer d’avoir un père? Pourquoi la société organise-t-elle alors l’adoption d’enfants pour les personnes célibataires? On en viendrait même à croire que le mensonge hétérosexuel sur la conception d’un enfant adultérin élevé dans un couple marié serait sans incidence pour l’enfant. En revanche la vérité homosexuelle sur la procréation de l’enfant viendrait bouleverser son avenir! N’est-ce pas là la démonstration manifeste de l’expression d’une discrimination basée sur l’orientation sexuelle des parents ?

Venons-en au fond: le raisonnement du Dr WOLF induit que notre société devrait potentiellement réparer une situation qu’elle aurait générée. Mais réparer de quoi? En quoi une famille composée de deux parents de même sexe pourrait-elle être plus préjudiciable à l’enfant qu’une famille dite traditionnelle? L’altérité sexuelle des parents empêcherait-elle l’enfant de revendiquer un autre père ou une autre mère? Certainement pas. On voit bien la limite du propos: c’est la non acceptation des familles homoparentales. A l’image du fameux « j’ai beaucoup d’amis homosexuels donc je ne suis pas homophobe » le Dr WOLF prend bien soin de débuter sa tribune en indiquant « Je suis bien-sûr favorable au mariage pour tous, aux droits des homosexuels, ainsi qu’à ceux des transsexuels ». Le Dr WOLF culpabilise tout simplement à l’idée que notre société pourrait aider à la procréation d’enfants qui se retrouveraient dans des situations qui existent déjà au sein des familles monoparentales, recomposées et traditionnelles! Souhaiterait-il préférablement une AMP eugéniste avec enfant non revendicateur garanti? L’AMP avec tiers donneur ne vient pas soigner une pathologie médicale. Le couple infertile reste infertile après la naissance de l’enfant. Dès lors on peut se demander en quoi le Dr WOLF est-il légitime pour prédire l’avenir d’enfants conçus par AMP.

Concernant la Gestation Pour Autrui (GPA), le Dr WOLF indique que ce « problème suppose la disposition d’un utérus pour mener à bien la gestation ». Espérons cette fois qu’il s’agit d’un vocabulaire médical car la GPA implique plutôt le consentement d’une Femme volontaire, protégée et encadrée qui s’engage à porter l’enfant d’un couple en incapacité de procréer. En réduisant d’emblée la GPA à la seule « disposition d’un utérus », sans détour le Dr WOLF réduit la femme à sa fonction reproductrice. Il diabolise la GPA en invoquant les dérives de certains parcours en Inde, il invoque aussi des cas médicaux particuliers qui pourraient s’appliquer à n’importe quelle femme.

Clairement, il fait volontairement l’impasse sur les liens humains qui s’établissent entre les parents d’intention et la famille de celle qui portera l’enfant de ces parents. Normal après tout, il ne s’agit pas que d’un acte médical mais de relations humaines. Dans le long parcours d’une GPA, bien qu’incontournable, l’acte médical est un temps infime qui ne doit pas mésestimer l’aventure humaine qui préside. Le Dr WOLF dénonce le commerce procréatif alors même qu’il est salarié d’un organisme de conservation des œufs et du sperme humain. En réalité, les parcours de GPA sont bien plus complexes que la caricature faite et le Dr WOLF le sait bien car il omet volontairement de parler des pays qui organisent une GPA éthique et non commerciale comme la Grande-Bretagne ou le Canada.

Par Alexandre Urwicz
Président et co-fondateur de l’Association Des Familles Homoparentales

>> Article de Libération : PMA, GPA : respecter le droit des enfants de demain

Chef du service de biologie de la reproduction à l’hôpital Cochin, Jean-Philippe Wolf s’interroge sur l’avenir des enfants issus de la GPA et de la PMA.

Je suis bien sûr favorable au mariage pour tous, aux droits des homosexuels, ainsi qu’à ceux des transsexuels. Mais je dois dire d’emblée également que je ne suis pas enthousiasmé par l’idée d’accorder la PMA à tout le monde.

L’accès à des droits nouveaux qui semblent légitimes doit être assuré à tous bien évidemment. Il y a cependant une particularité en ce qui concerne l’AMP, c’est qu’elle aboutira à la naissance d’un enfant qui n’est pas encore là. Les personnes qui demandent l’AMP souhaitent bien sûr sa naissance qui les comblerait de joie. Mais que dira l’enfant de son existence dans 10, 20 ou 30 ans ? Deux faits récents nous incitent à nous poser la question :

– la revendication des enfants nés d’un don de sperme à la levée de l’anonymat du donneur. Ils nous apprennent une chose. Quels que soient les sentiments de bienveillance qui animent à un moment les personnes qui pensent l’avenir des enfants qu’ils vont aider à naître, on ne peut pas être sûr que l’on fait bien. On peut certainement reprocher des choses aux promoteurs des CECOS d’il y a 40 ans, mais certainement pas l’absence du souci de bien faire pour le bien des parents infertiles et des enfants que ces derniers allaient avoir. L’anonymat des donneurs a semblé une solution parfaite. Pendant des années et des années, tout s’est très bien passé. Et puis tout à coup, des enfants devenus adultes crient leur malaise et leur douleur, disent qu’ils sont les victimes d’un arrangement qui s’est fait sur leur dos et demandent à rencontrer le donneur. Ce qui est impossible aujourd’hui. Que faire ?

Cela veut dire qu’indépendamment du souhait sincère des homosexuels d’accéder à un droit pour eux, rien, absolument rien ne garantit que les enfants demain ne revendiqueront pas le droit d’avoir un père dans le cas de mères lesbiennes ou une mère pour les parents gays. Et que s’ils le font, on aura l’air malin. Cela mérite au moins réflexion.

– L’affaire des deux lesbiennes sourdes et muettes qui cherchaient un donneur également sourd et muet pour essayer d’obtenir un enfant atteint de la même infirmité qu’elles-mêmes pose un autre problème. Le but était de faire une famille plus soudée. Mais faut-il accéder à toutes les demandes sous prétexte que quelqu’un les a faites et qu’il ne faut surtout pas discriminer qui que ce soit ? Je ne le crois pas. Les enfants ont des droits indépendamment de ceux de leurs parents. Leurs revendications peuvent ne pas être les mêmes. Si je devais choisir pour un enfant entre le fait être sourd ou bien entendant, je choisirais sans hésitation d’être bien entendant car leur vie sera mille fois meilleure.

Parents trans

Il en résulte qu’il n’y a pas de droit à l’enfant comme il y a un droit au logement ou un droit à la parole. Le droit des futurs enfants peut être opposé au droit des personnes qui revendiquent d’avoir ces enfants. Il faut donc que quelqu’un plaide pour eux. On ne peut pas, en tout cas, se limiter à écouter la seule parole de ceux qui revendiquent un enfant pour eux-mêmes en ignorant ce que sera le futur de l’enfant. J’entends ceux qui diront que ces situations ont bien lieu naturellement dans la société. Des enfants vivent sans père parce que celui-ci est décédé ou qu’il est simplement parti. Il est des enfants sans mère pour des raisons analogues. D’autres vivent avec des parents homosexuels. Mais de la à créer ces situations de toutes pièces volontairement, il y a un pas à franchir qui demande quelques réflexions.

Ces réflexions quelles sont–elles ? L’exemple des transsexuels peut nous amener à y réfléchir. La transformation d’une femme en homme permet de lui attribuer l’apparence physique d’un homme de façon à ce que cette personne puisse vivre socialement en tant qu’homme. Elle ne permet pas de changer son caryotype qui reste XX, ni de lui donner des organes génitaux masculins fonctionnels. Ce sont donc des hommes stériles. Mais ils ont le droit de se marier avec une femme et de fonder une famille. Pour cela ils viennent au CECOS, demander des spermes de donneur. A Cochin, nous avons initié un programme d’insémination pour les femmes de ces couples. Nous sommes les premiers et les seuls au monde.

Les réticences étaient que le contexte d’un père transsexuel ne soit délétère pour l’enfant. Trouble psychologique, trouble de l’identité sexuelle, questions liées à la révélation du moyen de la conception et surtout du transsexualisme du père. Voilà 13 ans que notre étude a lieu. Tous les enfants qui ont été régulièrement suivis vont bien. Il nous semble que cette voie pleine d’empathie vis-à-vis des patients demandeurs est à même d’amener à la création de nouvelles familles, dans le respect de l’attention que nous devons aux enfants.
L’utérus mis à disposition

A l’inverse, il est des cas intéressants, qui illustrent les dérives auxquelles nous pourrions aboutir à vouloir tout accepter. Certains transsexuels souhaitent conserver les gamètes de leur sexe d’origine comme s’ils voulaient être le père et la mère de leurs enfants. Ils mettent alors en avant la prééminence du biologique pour leur propre enfant (transmettre leurs propres gènes) contre la biologie qu’ils refusent pour eux-mêmes (leur assignation de sexe à la naissance).

Alors que faire ? Probablement se donner les moyens de voir que nous ne faisons pas mal en décidant d’ouvrir un nouveau droit pour des personnes qui le demandent tout en respectant l’enfant à venir. Il faut entre autres se donner les moyens de suivre ces enfants pendant un certain temps. C’est probablement la démarche la plus éthique qui soit.

Le problème de la GPA est d’un autre ordre, car il suppose la disposition d’un utérus pour mener à bien la gestation. Les défenseurs de cette pratique nous décrivent des tableaux idylliques de femmes responsables, autonomes, désireuses de rendre service à une autre femme ou à des hommes gays. Hélas, trois fois hélas, la réalité est toute autre. Une femme ne peut pas sereinement faire commerce de son utérus sans que les injonctions économiques propres à notre monde globalisé ne viennent y mettre leur ordre. C’est un commerce sordide dont il s’agit, de femmes enfermées dans des cliniques peu scrupuleuses dans les banlieues des grandes villes de l’Inde. Elles gagnent en neuf mois vingt ans de salaire habituel. Qui plus est, ce sont souvent des grossesses gémellaires dont il s’agit car on transfère plusieurs embryons pour accroître les chances d’avoir un enfant, et elles sont césarisées pour que les «parents d’intention» venant des Etats-Unis puissent assister à la naissance. C’est cela, la réalité de la GPA. Non merci !