Ne peut être parent qui veut? Il y a quelques semaines, au Canada, le comédien Joël Legendre avait annoncé que son conjoint et lui allaient être bientôt les papas de jumelles grâce à une donneuse d’ovules et une mère porteuse dont les traitements de fertilité ont été payés par le régime public.
Jusque là, le programme ne couvrait que les couples infertiles, les femmes seules et les couples de lesbiennes.
« Toutes les femmes du Québec qui sont en âge de procréer et qui possèdent une carte d’assurance maladie valide peuvent accéder aux traitements de procréation assistée ».
Le programme public de procréation assistée est d’ailleurs beaucoup plus populaire que ce que ne prévoyait le gouvernement lors de sa création, en 2010. En 2013, le budget de 63 millions de dollars alloué à la fécondation in vitro a été largement dépassé. Le gouvernement péquiste a dû injecter un peu plus de quatre millions supplémentaires dans le programme pour fournir à la demande. 8800 cycles de fécondation in vitro ont été réalisé en 2013-2014.
>> Avec le cas Joël Legendre, le déferlement de commentaires n’en finit plus sur les tenants et aboutissants de la procréation médicalement assistée (PMA) et de la gestation par autrui (GPA). Évidemment, ce débat apporte avec lui son lot de questionnement. Pour certains, les enjeux entourant l’éthique doivent se retrouver au cœur du débat. Pour d’autres, l’utilisation du corps de la femme, comme matrice, est une forme d’exploitation que l’on doit bannir. Puis il y a ceux, les « vrais » payeurs de taxes, qui estiment que l’État ne devrait pas défrayer, pour les gais, les coûts liés à l’intervention par l’entremise du gouvernement. Et pour un grand nombre de personnes, nous devrions laisser la «nature» suivre son cours.
Que nous souhaitions un encadrement de la PMA et de ses divers procédés, comme ce fut le cas lors du débat pour l’aide à mourir dans la dignité, c’est le gros bon sens! Que nous voulions protéger les femmes, évidemment! Mais à la base, avons-nous à décider pour celles qui souhaitent aider des couples infertiles? Leur corps ne leur appartient-il pas tout comme dans le cas de l’avortement? Évidemment, si nous souhaitons, comme société, aller dans cette direction j’espère que nous nous assurerons qu’il n’y a pas exploitation de la misère humaine.
Mais cette fois-ci, la levée de boucliers est quelque peu différente. Bien sûr, il y a toujours eu des opposants au projet de loi 26, du gouvernement Charest, en la matière. Les mêmes questions d’éthique et d’encadrement se posaient à l’époque. Ce qui n’a pas empêché le gouvernement Charest d’adopter sa Loi, et ce, sans un encadrement des pratiques. Et bien qu’il y ait eu des voix qui ont questionné grandement la nécessité d’offrir un tel programme à même les revenus de l’État, au final comment pouvait-on ne pas être sensible au désir d’une femme infertile souhaitant devenir mère, surtout quand la porte-parole de la cause est Julie Snyder. Alors je répète ma question. Pourquoi cette fois-ci les « vrais » contribuables et les « naturalistes » s’excitent-ils autant à l’annonce de la naissance des jumelles par mère porteuse qu’auront Joël Legendre et son conjoint ? Poser la question c’est y répondre. ILS SONT HOMOSEXUELS!
Pour ces « vrais » contribuables, les personnes LGBT ne devraient pas avoir accès aux mêmes services qu’eux, que nous devrions assumer notre «choix de vie », oubliant par la même occasion que nous payons taxes et impôts dont ils en tirent allègrement les bénéfices. Pourtant, cela ne les empêche pas de nous voir comme inégaux, comme des citoyens de seconde zone. Je l’ai déjà écrit, mais je vais le redire, nous payons notre dû comme chaque citoyen(ne)s. Mieux encore, la grande majorité d’entre nous paye pour des services que nous n’utiliserons jamais. Ici je vais préciser qu’avec la transformation des us et coutumes des sociétés, nombre d’hétérosexuels célibataires se retrouvent dans cette situation aussi. Donc nous payons pour l’éducation, les garderies, les taxes scolaires, les congés parentaux, bref nous contribuons aux programmes sociaux que nous avons collectivement mis en place au bénéfice de chacun.
Et pour les tenants des « lois naturelles », s’il vous plait, « give me a break ». La procréation médicalement assistée fait partie des avancées curatives qui permettent à des femmes et à des hommes de pouvoir connaitre la joie d’être parents. Mettre sur le dos de la nature pour justifier le non-accès à des couples gais, lesbiennes et Trans, à la procréation médicalement assistée est une aberration. À ce titre, nous devrions refuser l’ensemble des traitements disponible grâce aux avancées médicales. Si nous voulons vraiment laisser la « nature » suivre son cours, alors soyons conséquents. Arrêtons de donner des traitements de chimiothérapies, arrêtons de poser des stimulateurs cardiaques, des implants mammaires ou de poser des prothèses de la hanche. Et quant à faire, arrêtons aussi les injections de Botox car il n’y a rien de moins « naturel » qu’un visage lisse à 70 ans. La médecine comme bien des sciences visent justement à améliorer la condition humaine. Pourquoi ne pas en profiter pour le problème d’infertilité.
Donc que l’on arrête de me dire, de nous dire, que l’État ne devrait pas payer pour les «caprices des gais» et que nous devrions assumer nos choix de vie. D’ailleurs, pour en finir avec cette notion de « choix de vie », sachez que nos « vies » sont bien des choses, mais certainement pas un choix. Pensez-vous sincèrement qu’une personne choisisse de se faire discriminer, insulter, violenter durant une vie entière? Ou encore que l’on espère être emprisonné ou tué comme cela se produit dans plus de 80 pays? Pensez-vous vraiment que l’on choisisse d’être considéré comme inférieur(e)s, immonde, malade? Il suffit juste de voir et entendre les propos homophobes générés sur le web, dans les journaux et sur les lignes ouvertes des radios dans ce dossier, pour comprendre que les personnes LGBT ont encore bien du travail à faire pour être pleinement acceptées et respectées. Quand des gens comme Paul Arcand et Benoît Dutrizac en arrivent à ne pas vouloir lire les commentaires haineux et à demander aux gens d’arrêter leurs attaques, car c’est de la violence, c’est tout dire. Et dire que nous sommes en 2014 et au Québec par-dessus le marché!
C’est vrai, il faut réfléchir aux tenants et aboutissants liés à la PMA et la GPA tout comme il est nécessaire d’en encadrer les pratiques. Et selon ce que nous déciderons collectivement, il est tout aussi important que tous et toutes y aient accès, que personne ne soit exclu. C’est vrai, les hommes ne sont pas des femmes et ils ne peuvent enfanter. C’est aussi vrai que les gais et lesbiennes ne sont pas hétéros. Une fois cela clarifié, priver les LGBT de la possibilité d’être parents, si nous l’autorisons pour les hétéros, devient une discrimination pure et simple. Et il n’est pas question que, dans le débat actuel, nous en fassions les frais. La parentalité n’est pas une question de moralité, d’orientation sexuelle ou de genre, mais bien avant tout une question d’amour !
Avec Steve Foster
Directeur général du Conseil québécois LGBT