Jusqu’à présent, la « co-parente », c’est-à-dire la mère qui ne porte pas le bébé devaient passer par l’adoption intrafamiliale : procédure longue qui implique des formations, une enquête, des rencontres avec un psychologue, etc.
Pour Anne Sophie Baptist, par exemple, cela a duré un an. Il y a 4 ans, sa femme a donné naissance à une petite fille, grâce à la procréation médicalement assistée. Officiellement, à la naissance, elle n’avait aucun lien avec l’enfant. Une situation qu’elle a vécu comme une injustice : » Il y a le mariage, la maison, puis un enfant comme tout couple qui s’aime, qui a envie de fonder une famille, et puis quand l’enfant est là vous n’êtes personne pour cet enfant. Mon nom n’apparaît pas sur son acte de naissance, c’est blessant. Parce que, cet enfant, je l’ai autant désiré que ma compagne. Vous n’êtes juste personne. La nounou a le même statut. »
Et cela a donc duré un an, le temps d’obtenir l’adoption : « On aurait pu se disputer ou se séparer pendant la grossesse. Ma compagne aurait alors pu prendre n’importe quel monsieur qui passait dans la rue, aller faire une reconnaissance sur le ventre et mon enfant devenait le sien. Ce n’est pas arrivé, ce ne serait jamais arrivé, mais vous voyez, des scénarios catastrophes, on peut en créer plein et tout ça parce que la loi n’était pas encore passée. »
Les mêmes droits que les pères hétérosexuels
Ce scénario catastrophe ne sera plus possible avec la nouvelle loi qui entrera en vigueur le 1er janvier 2015. Si une coparente est mariée à la mère biologique, elle sera automatiquement considérées comme la mère de l’enfant. C’est ce qu’on appelle la « présomption de maternité », à l’image de la « présomption de paternité » (on suppose que le mari de la mère est le père). Si la coparente n’est pas mariée, c’est comme pour les hétéros : il faudra simplement aller reconnaître l’enfant à la commune avec l’accord de la mère biologique.
Et cela vaut que l’enfant soit né grâce à une procréation médicalement assistée, via un donneur anonyme, ou qu’il soit né via ce qu’on appelle une procréation « amicalement » assistée, c’est-à-dire via un ami.
Les hommes ne sont pas concernés
Cette nouvelle loi ne concerne que les couples de femmes. Le législateur n’a pas voulu étendre les mêmes droits aux couples d’hommes. Emilie Van Den Broeck a bien suivi le dossier. Elle est juriste au Centre interfédéral pour l’égalité des chances : « Dans les travaux préparatoires de la loi, les parlementaires ont considéré que, pour les hommes, ça impliquait nécessairement la gestation pour autrui, c’est-à-dire qu’une femme prête son ventre pour permettre le projet parental. Cette question nécessitait donc plus de débat. Et donc ils ont décidé de la remettre à la prochaine législature, c’est-à-dire la législature actuelle. »
Il faut savoir que la gestation pour autrui n’est actuellement ni autorisée, ni interdite en Belgique, c’est un flou juridique. Les parlementaires n’ont pas voulu s’attaquer à la question.
Pour Nathalie Uyttendaele, avocate spécialisée en Droit de la famille, la loi pourrait être considérée comme discriminante à l’égard des hommes : « Les hommes pourraient se sentir discriminer. C’est clair qu’il y a des différences naturelles qu’on connaît bien entre hommes et femmes, qui font que la paternité et la maternité ne sont pas les mêmes, évidemment. Malgré tout, un traitement discriminatoire pourrait être invoqué et peut-être trouver écho auprès de la Cour constitutionnelle. »
Du côté de l’Institut pour l’égalité des femmes et des hommes, on préfère ne pas répondre sur ce thème pour l’instant. On estime que c’est beaucoup trop complexe pour répondre sans réelle étude préalable. Cela montre bien que la question est à tout le moins ouverte.
Pour Anne Sophie Baptist, qui est aussi co-présidente de l’ASBL Homoparentalité, il faut donc continuer le combat, pour que les pères homosexuels puissent obtenir les mêmes droits.
Et les étrangers?
Qu’en est-il des couples mixtes? La loi belge ne s’appliquera pas à toute personne vivant en Belgique. Emilie Van Den Broeck, juriste au Centre interfédéral pour l’égalité des chances explique : « Lorsqu’une coparente sera d’une autre nationalité que belge, il faudra aller voir ce que prévoit le droit national de cette coparente et si la possibilité d’établir un lien de filiation avec son enfant est possible dans sa loi nationale ou pas. »
avec source par Daphné Van Ossel