C’est le serpent de mer sociétal de la présidence Hollande. Alors que le mariage et l’adoption ont été ouverts aux couples homosexuels par le vote de la loi Taubira en mai dernier, la question de la procréation médicalement assistée (PMA) reste posée. Officiellement, le gouvernement promet toujours de la légaliser dans les mois à venir dans le cadre de la loi Famille qui sera déposée par Dominique Bertinotti.
Sauf que sa ministre de tutelle, Marisol Touraine n’est plus aussi affirmative, ce qui a le don d’agacer les militants de la cause homosexuelle, déconcertés par les déclarations contradictoires faites depuis 18 mois. Récit d’une procrastination qui cache mal la frilosité de la majorité.
Mars 2012 : Un engagement de campagne
La PMA n’est pas un engagement au même titre que l’était le mariage et l’adoption pour les couples de même sexe. Ces deux points, entérinés par la loi votée avant l’été, figuraient dans le point 31 (sur 60) du programme de François Hollande.
Cependant, à plusieurs reprises, le candidat socialiste avait fait part de son attachement à cette question : dans un entretien à Tetu, il avait lui-même dit qu’il y était favorable, précisant au passage qu’il est hostile à la Gestation pour autrui (GPA). Et sa porte-parole, Najat Vallaud-Belkacem (devenue ministre des Droits des Femmes) l’avait également affirmé lors du Meeting pour l’Egalité, le 31 mars 2012.
Septembre 2012 : La PMA absente remarquée de la loi mariage
Mais à la rentrée 2012, confirmant des propos tenus durant l’été, la ministre de la Justice Christiane Taubira affirme que la question ne sera pas présente dans le texte sur le mariage : « l’accès à la PMA ne rentre pas dans son périmètre », affirme la Garde des Sceaux dans un entretien à la Croix, le 10 septembre, avant la présentation de son texte. Le Premier ministre Jean-Marc Ayrault soutient cette même ligne et assure début octobre que la PMA sera abordée dans « une loi complémentaire, qui pourrait être la loi famille ».
Au plus grand dam des associations de défense des droits des homosexuels pour qui, mariage et adoption ne peuvent pas être abordés séparément des questions de parentalité et de filiation. Elles craignent alors un «un texte a minima».
Décembre 2012 : Les députés PS annoncent des amendements
Les parlementaires de la majorité ne se contentent pas de cette frilosité gouvernementale. Le président du groupe socialiste à l’Assemblée, Bruno Le Roux, souhaite voir déposer des amendements pour inclure la PMA dans le texte sur le mariage et l’adoption. « C’est une question dont on sait qu’elle sera sous-jacente pendant le débat sur le mariage. Quel intérêt de vouloir scinder les choses ? Moi je pense qu’il vaut mieux avoir le débat en une fois », précise l’élu de Seine-Saint-Denis.
Il trouve alors le soutien de Harlem Désir, tout juste élu Premier secrétaire du PS et de la ministre déléguée à la Famille, Dominique Bertinotti. L’amendement est écrit et validé par le groupe socialiste pour être discuté en séance début 2013. Bruno Le Roux s’engageait à ce que la PMA soit adoptée avant la fin de l’année.
Janvier 2013 : L’engagement de Jean-Marc Ayrault
Alors que le débat sur le mariage pour tous s’apprête à ouvrir à l’Assemblée, la majorité fait volte face. L’amendement socialiste est finalement retiré après plusieurs jours de palabres entre le groupe parlementaire et le gouvernement. Il s’agit officiellement de ne pas perturbé le débat qui s’annonce difficile sur la loi Taubira. En échange de la bienveillance de ses députés, Jean-Marc Ayrault annonce que la PMA sera traitée dans le cadre de la loi famille. Le Premier ministre s’y engage, notamment via un tweet.
Mais les écologistes ne sont pas convaincus : ils déposent leur propre amendement qui sera débattu et bien sûr rejeté lors du débat.
Mars 2013 : François Hollande s’en remet au Conseil d’éthique
Pendant que les députés s’écharpent sur le mariage pour tous, François Hollande reçoit, fin janvier, le président de l’Union nationale des associations familiales (Unaf). Il lui assure alors qu’il saisira le Conseil consultatif national d’éthique (CCNE) au sujet de la PMA. Invité de France 2 en mars 2013, le Président de la République assure même qu’il « respectera » l’avis du CCNE, alors même que la porte-parole du gouvernement avait dit quelques semaines plus tôt que l’avis ne serait pas contraignant.
L’opposition et les associations homosexuelles voient dans cette décision une manœuvre de l’Elysée pour se défausser sur les sages, qui sont a priori divisés, sinon hostiles à la PMA pour les couples de femmes. Il est alors prévu que l’avis soit rendu à la fin du mois d’octobre. De fait, la présentation du projet de loi famille, prévue pour la fin mars, est reportée à l’automne ; la perspective d’ouvrir la PMA durant le deuxième semestre de l’année reste néanmoins possible.
Juillet 2013 : Pas d’avis du Conseil d’éthique avant 2014
Mais le calendrier est une nouvelle fois bousculé, cette fois juste avant l’été. Le Conseil d’éthique affirme qu’il ne rendra pas son avis sur la PMA avant le début de l’année 2014. En cause, le lancement d’un autre débat, sur la fin de vie, à l’automne 2013. « On reporte les états généraux parce qu’on ne peut pas faire des états généraux sur tout en même temps », explique Jean-Claude Ameisen, président du CCNE sur RMC et BFMTV.
Cette annonce soulève un tollé dans chez les défenseurs de la cause homosexuelle qui accuse directement le gouvernement : « Ces tergiversations et ces reculs répétés depuis un an sont inacceptables », dénonce l’inter-LGBT qui appelle « les parlementaires progressistes et les invite à déposer sans attendre une proposition de loi sur l’ouverture de la PMA aux lesbiennes ». Aucune initiative n’a encore été prise en ce sens.
Eté 2013 : Le retour des amendements
Pour la ministre déléguée à la Famille, Dominique Bertinotti, ce décalage du CCNE n’est pas dramatique. Elle «vise» toujours une présentation de la loi Famille avant la fin de l’année et assure que la PMA «n’est pas enterrée». Pour la faire passer dans ce texte, elle envisage la présentation d’amendements au cours du débat parlementaire, aussitôt l’avis du CCNE rendu.
A condition toutefois, comme la laissé entendre François Hollande, que cet avis soit positif.
Septembre 2013 : Un enterrement par la ministre
Mais ultime rebondissement, en cette rentrée. C’est la ministre des Affaires sociales, Marisol Touraine, qui donne un avis différent de celui entendu jusque là. «Je ne suis pas certaine que la loi famille soit le meilleur endroit pour discuter de l’ouverture de la PMA à l’ensemble des couples», affirme-t-elle dans un entretien à la Croix.
Et la ministre de tutelle de Dominique Bertinotti de préciser : «La PMA est un sujet qui ne doit pas diviser ni provoquer de crispations. C’est en outre un sujet qui soulève des questions éthiques, alors que la loi sur la famille ne porte pas sur des enjeux éthiques.»
Le HuffPost | Par Alexandre Boudet