Pour Madrid, la prise en charge de la procréation médicalement assistée (PMA) doit répondre uniquement aux problèmes de stérilité. Sur fond de crise et d’austérité, l’objectif affiché est de réaliser des économies.
L’Espagne s’apprête à exclure les lesbiennes et les célibataires de la procréation médicalement assistée (PMA) dans les hôpitaux publics. Le pays, l’un des premiers à avoir adopté le mariage homosexuel en 2005, est aussi l’un des plus ouverts sur la question de la reproduction assistée. Mais le gouvernement conservateur de Mariano Rajoy cherche à faire marche arrière. Pour Madrid, la prise en charge de la PMA doit répondre uniquement aux problèmes de stérilité.
La compétence de la santé publique relevant des communautés autonomes, les puissantes régions espagnoles, le ministère de la Santé veut avant tout, dit l’exécutif, unifier les critères. Sa titulaire, Ana Mato, s’est réunie la semaine dernière avec les consejeros – ministres régionaux – des 17 communautés autonomes dans le but d’établir un «portefeuille commun», une liste des prestations couvertes par le service public.
Les cliniques privées ne sont pas pour l’heure concernées
Les cliniques privées, très sollicitées en Espagne en matière de reproduction assistée, ne sont pas pour l’heure concernées. Ces dernières devraient continuer à attirer les femmes et les couples espagnols, mais aussi étrangers, dont de nombreux Français, intéressés par la facilité des démarches de ce côté des Pyrénées.
Sur fond de crise et d’austérité, l’objectif affiché est de réaliser des économies. «L’argent public doit servir à financer d’autres choses, les soins et l’amélioration de la qualité de vie des femmes», a ainsi déclaré Ana Mato, qui n’a pas précisé le montant des dépenses ainsi épargnées. Les collectifs homosexuels et féministes dénoncent toutefois une position idéologique, dissimulée, disent-ils, derrière des arguments budgétaires. Ils n’hésitent pas à rappeler que plusieurs représentantes emblématiques du Parti populaire (PP), la formation au gouvernement, ont eu recours à la PMA en tant que célibataires.
«L’absence d’un homme n’est pas un problème médical. »
Ana Mato, ministre espagnole de la Santé
Mise en cause, la révision des conditions d’accès. Le gouvernement souhaite que la PMA soit réservée aux femmes âgées de moins de 40 ans… et stériles. La ministre n’a parlé ni de la préférence sexuelle ni de l’état civil des patientes. Mais une petite phrase ne laisse guère de place au doute: «L’absence d’un homme, a dit Ana Mato, n’est pas un problème médical.» Traduction: à moins qu’elles ne démontrent un problème de fertilité, les femmes célibataires et les couples lesbiens qui souhaitent se soumettre à une insémination artificielle ou à une fécondation in vitro ne seront plus pris en charge par les hôpitaux publics.
La législation actuelle, établie en 2006 par le gouvernement socialiste de José Luis Rodríguez Zapatero, laissait une grande marge d’interprétation aux régions. La PMA est financée, dit le texte, lorsqu’elle répond à une stérilité diagnostiquée ou à «une indication clinique établie». Cette dernière indication permettait aux communautés autonomes qui le désiraient de prendre en charge les célibataires et les lesbiennes fertiles.
La constitutionnalité de la réforme est remise en cause
La loi sur le mariage homosexuel les incitait à ne pas faire de distinction. Car le Code civil, une fois réformé, affirme que «le mariage aura les mêmes conditions et les mêmes effets, que les contractants soient du même sexe ou qu’ils soient de sexe différent». Une rédaction qui ouvrait automatiquement le droit à l’adoption aux couples homosexuels… et qui légitimait au moins symboliquement l’accès à la PMA. Les défenseurs de la PMA pour tous mettent d’ailleurs en cause la légalité et la constitutionnalité de la réforme.
Après la révision des textes, les régions pourraient théoriquement continuer à proposer ce service à toutes les femmes. Certains consejeros ont d’ailleurs déclaré qu’ils n’entendaient pas changer leurs habitudes… Mais ils devront pour cela démontrer qu’ils ont un budget suffisant. Vu la situation économique, la contrainte budgétaire devient, dans ce pays très décentralisé, la manière la plus efficace d’orienter la politique des régions.