>> La une du « Jeune indépendant » daté du mardi 4 février a provoqué un tollé en Algérie. On y voit le secrétaire général du Front de libération nationale (FLN, au pouvoir), Amar Saadani, qualifié d' »homo ».
Une « une » nauséabonde. Dans son édition du mardi 4 février, le quotidien francophone algérien, Le Jeune Indépendant, créé en 1990 et tiré à 20 000 exemplaires, a qualifié le secrétaire général du Front de libération nationale (FLN, au pouvoir), Amar Saadani, d’ »homo » qui ose s’attaquer à un « homme », Mohamed Mediene, dit « Tewfik », général major et patron du DRS (Département du renseignement et de la sécurité).
>> La une en question est visible sur le site d’Algérie Focus.
Publiée au lendemain d’une violente attaque de Saadani contre le chef du puissant service de renseignements, la couverture du Jeune indépendant provoque indignation et réprobation dans le milieu de la presse algérienne et sur les réseaux sociaux, notamment sur Facebook. « Honteux », « dégoutant », « abject », « diffamatoire », « répugnant », « insultant »… les internautes n’ont pas de mots assez durs pour qualifier cette une qui s’en prend aux supposées inclinaisons sexuelles d’Amar Saadani.
Le dérapage du quotidien est d’autant plus scandaleux qu’il n’est nullement fait référence, dans l’éditorial ou dans l’article qui accompagne la une, aux orientations sexuelles de Saadani. En outre, le code de l’information en vigueur en Algérie depuis 2012 interdit, sous peine de poursuites judiciaires (deux à six mois de prison prévus dans le code pénal), l’atteinte à l’honneur des personnalités publique.
« De l’humour second degré »
Son article 93 stipule notamment que « la violation de la vie privée, de l’honneur et de la réputation des personnes est interdite », et que « la violation directe ou indirecte de la vie privée des personnalités publiques est interdite. » Interrogé par Jeune Afrique, Nordine Mzalla, éditorialiste au Jeune Indépendant, n’y voit rien de choquant ou de diffamatoire dans le titre. « C’est de l’humour au second degré, tente-t-il de se justifier. Pour nous, c’était un parallèle par rapport aux personnes qui avouent publiquement leur homosexualité. »
Si l’éditorialiste assume que le titre doit être « accrocheur, racoleur ou vendeur » et qu’il est un moyen de faire le « buzz pour être lu », il récuse toute connotation sexuelle concernant le cas de Saadani. « Dans le dictionnaire, le mot homo à deux sens : homo sapiens et homosexuel, explique-t-il encore, maladroitement. Nous avions voulu jouer sur cette ambiguïté. Ce n’est pas plus nauséabond que ce qu’Amar Saadani a dit à propos du patron du DRS et de cette institution militaire. »
Quid de l’atteinte à l’honneur et à la réputation des personnes publiques ? Nordine Mzalla, qui ne cache pas sa satisfaction que cette une fasse de la publicité pour son journal « qui en en a besoin », affirme que la direction est sereine et qu’elle répondra volontiers devant les tribunaux en cas de plainte de la part du secrétaire général du FLN.
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Suite à la publication de cet article, Nordine Mzalla nous a fait parvenir la mise au point suivante :
« Le second degré concernait l’aveu au sujet de la nature de la relation entre le FLN et le DRS. Une sortie étonnante qui rappelle « le coming out » chez les célébrités qui avouent leur homosexualité. Il y’ a rien d’homophobe dans cela ni rien d’insultant. Pis encore ; vous semblez souhaiter que Saadani poursuive notre journal et fasse éventuellement emprisonner l’un d’entre nous, tout en reconnaissant que rien ne transparait dans nos articles sur cette prétendue attaque contre la vie privée du patron du FLN. Étrange, nauséabond, violent et surtout contraire à la défense de notre corporation qui revendique le droit à la liberté d’expression et a lutté contre la pénalisation du délit de presse. Enfin, vous auriez pu aussi raconter que notre canard – Le Jeune Indépendant – regrette que des Unes sur des sujets aussi sérieux que les propos de Saadani n’ont jamais fait le buzz et que j’ironiais donc sur la pub que notre humour incompris avait pu provoquer. »
Réponse de la rédaction : Nous notons que l’intéressé ne dément pas les propos qu’il nous a tenus et précisons qu’évidemment nous ne souhaitons l’emprisonnement d’aucun journaliste, ni en Algérie ni ailleurs.
Lire l’article sur Jeuneafrique.com : Polémique | Algérie : la une homophobe d’un journal provoque un tollé | Jeuneafrique.com – le premier site d’information et d’actualité sur l’Afrique
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Article original : Comme attendu, les déclarations d’Amar Saïdani, le secrétaire général du FLN, à propos du Général Toufik, le patron du DRS, les services de renseignements algériens, ont donné lieu à une véritable guerre de clans qui déchirent la scène politique algérienne à travers toutes ses composantes.
Une guerre qui a pris aussi une dimension médiatique alarmante où les divers médias se lancent dans des diatribes violentes selon leur positionnement idéologique, et financier surtout, vis-à-vis de tel ou tel clan. Les médias proches du patron du DRS n’ont, donc, pas tardé à réagir pour descendre en flammes Amar Saïdani qui a lancé de graves accusations à l’encontre du général Toufik. Et pour défendre leur «poulain», certain média n’ont pas hésité à outrepasser toutes les limites de la déontologie et de l’éthique. Il en est ainsi du Jeune Indépendant, un quotidien national dont l’existence remonte à 1990, qui s’est rendu coupable, mardi matin, d’une grave dérive médiatique en mettant à sa Une un titre choquant, insultant et pour le moins que l’on puisse dire «honteux».
«Quand un Homo provoque un Homme» ! La voila donc la Une de ce quotidien algérien qui confond l’insulte, l’invective avec la critique journalistique. Amar Saïdani est donc qualifié publiquement de «homosexuel» comme si son orientation sexuelle expliquait réellement ses prises de position ou la virulence de ses déclarations. Faut-il déduire que toute personne qui s’attaque au général Toufik est par conséquent «homosexuel», à savoir un homme qui manque de virilité, d’honneur et de dignité ? C’est le message que veut nous délivrer ce quotidien national qui bénéficie de la manne publicitaire publique, et donc de l’argent du contribuable algérien ? Pourquoi mêler la sexualité, les mœurs au débat politique même si celui-ci s’apparaît violent et électrique ? Toutes ces questions, le ministère de la communication, si prompt à donner des leçons de morales à la presse notamment les sites d’information qui ne sont toujours pas reconnus légalement en Algérie, devrait se les poser sérieusement pour expliquer au citoyen algérien comment une telle dérive médiatique peut se produire sans que cela ne soulève pas l’indignation des autorités publiques.
Aujourd’hui, il est devenu clair que l’Algérie, à la veille d’une élection présidentielle capitale pour son avenir, s’éloigne du bon sens, de la droiture et de l’intégrité morale, pour s’enfoncer dans les polémiques haineuses et dérives immorales. Notre pays n’a vraiment pas besoin de cela…
algerie-focus.com