La multiplication des propos homophobes dans les stades suite aux arrêts de matchs en ligue 1 et ligue 2 a provoqué un débat inattendu : le terme « enculé » est-il une insulte homophobe ? Les supporters ultras nous expliquent qu’il n’aurait rien d’injurieux contre les gays, car la sodomie peut également être pratiquée par les hétérosexuels. Cet argument ne tient pas à l’analyse, comme le souligne Me Etienne Deshoulières, avocat au barreau de Paris.
Sémantiquement d’abord, les insultes homophobes se répartissent en deux catégories, celles qui stigmatisent l’identité de genre (tapette, toutouze, tarlouze, pédale, butch, camionneuse…) et celles qui stigmatisent les pratiques sexuelles (enculé, pédé, sodomite, brouteuse…).
Or, le terme « enculé » est clairement dans cette seconde catégorie. « C’est parce qu’il se réfère à une pratique sexuelle gay qu’il est employé négativement comme insulte pour inférioriser son destinataire. Celui qui se fait pénétrer comme une femme est inférieur à celui qui pénètre comme un homme. On voit bien ici, comme ailleurs, que la négativité de l’insulte homophobe tire sa violence du sexisme ou, plus précisément, de l’infériorisation des attributs féminins dans le langage. Il s’agit en ce sens d’une insulte hétérosexiste, c’est-à-dire d’une insulte d’homme hétérosexuel qui vise à inférioriser les femmes et les gays », précise l’avocat.
Socialement ensuite, le terme « enculé » est une insulte d’hommes destinée à d’autres hommes. On a rarement entendu une femme traiter une autre femme d’ « enculée ». Les hommes qui utilisent le terme visent avant tout à insulter le destinataire de leur propos. Le plus souvent, ils n’ont pas conscience que l’emploi de l’insulte « enculé » sera offensant pour les gays. On peut leur laisser le bénéfice de la bonne foi. Il n’empêche que l’emploi du terme « enculé » fonctionnera comme un rappel à l’ordre hétérosexiste visant à discipliner les hommes chez qui pourrait naître le désir de se faire pénétrer par un autre homme. Cette injonction a d’ailleurs parfaitement fonctionné jusqu’à présent dans le football : l’homosexualité n’a pas sa place dans le milieu ; aucun footballeur professionnel en activité en France n’a fait son coming out.
Juridiquement enfin, la Fédération internationale de football association (FIFA) considère qu’il s’agit d’une insulte homophobe. Elle a ainsi condamné la Fédération mexicaine lors de la dernière coupe du monde pour l’usage par les supporters mexicains du terme « Eeeeeeh Puto », synonyme du fameux « Oh hisse enculé ! » des supporters français.
En droit du football, « enculé » est donc considéré comme un terme homophobe, conclut Me Deshoulières. N’est-ce pas là, finalement, le seul argument pertinent s’agissant de son emploi dans les stades ?