«J’avoue ne pas trop comprendre le terme de « fierté homosexuelle »»
Cette interrogation n’est pas anodine. Elle relève d’un manque d’ouverture et d’acception, selon Léa Clermont-Dion, chroniqueuse et réalisatrice canadienne, qui répond dans un éditorial à certains chroniqueurs vedettes québécois tels que « Richard Martineau » qui donnent dans l’indigence intellectuelle et affirment leur malaise devant la fierté homosexuelle.
La différence dérange. Elle choque. Elle divise. Elle fait réagir. Le fait d’affirmer son homosexualité dans une société qu’on croirait ouverte semble tout à fait naturel, accepté, légitime. On ne pourrait pas soupçonner que cela réveille un rejet, quelque chose comme de l’ostracisme, une abnégation.
La parade de la fierté homosexuelle (« Marche des fiertés ») n’est-elle pas une façon légitime et pertinente de sensibiliser? Le garçon de secondaire trois qui vient d’un village de région qui n’a pas peut-être jamais entendu parler d’homosexualité positivement? Cette affirmation n’est-elle pas d’une évidence? Il semble que non.
Le défilé est encore l’un des seuls moments dans l’année où tous peuvent s’informer des ressources et organismes. Il incite au questionnement, à la réflexion, à défaire les préjugés. Faut-il se rappeler que le 15 juillet 1990, un groupe de policiers montréalais avait fait une descente violente dans un bar du Vieux Montréal, le Sex Garage Party? Les émeutes avaient été comparées à celles de Stonewall.
Martineau renchérit: «Suis-je fier d’être hétéro, ou blanc, ou de sexe masculin? Non… C’est comme ça, c’est tout…»
La différence entre un homosexuel et un hétérosexuel, c’est que l’un n’a pas été discriminé pendant des années. Avant 1969, selon le Code criminel, les actes sexuels qu’on qualifiait de «grossière indécence» (incluant ceux des homosexuels) étaient passibles de prison, qu’ils aient eu lien en public ou en privé. Ce n’est qu’en 1977 que le Québec devient la première juridiction en Amérique du Nord à interdire la discrimination basée sur l’orientation sexuelle avec la Charte des droits et libertés de la personne. Les acquis sont fragiles.
Le Québec a fait un progrès incontestable. Soyons fiers justement. Malgré cet avancement, pourquoi la marche des fiertés est-elle encore nécessaire? Parce que la moitié des États du monde interdit les relations sexuelles entre adultes consentants de même sexe. Parce qu’au Yémen, en Afghanistan, au Nigéria, au Pakistan et plusieurs autres pays les peines encourues vont jusqu’à la peine de mort. Parce que l’homosexualité est encore réprimée dans le monde.
Quand on se compare, on se console? Peut-être un peu. Mais, il y a aussi du travail à faire au Québec. Parce qu’il y a quelques semaines, un portier du Boudoir à Québec a reproché à un couple d’homosexuels de danser ensemble et de s’embrasser. Il ne voulait pas de cela dans son bar. Parce qu’on est pas si ouverts comme le démontre Pierre-Luc Cloutier, dans ce billet de mon collègue Patrick Dion.
La parade de la fierté gaie est nécessaire au Québec en 2014, parce que l’homosexualité dérange encore. L’homophobie existe. Elle est visible. Quand mon ami homosexuel pourra marcher dans la rue avec son amoureux sans se faire injurier, on pourra peut-être se dire ouverts. La fierté gaie est le contraire de la honte.
Avec Léa Clermont-Dion