Christian, prêtre dans une paroisse en Poitou-Charentes, est sorti du « placard », comme il dit, renonçant à son ministère pour l’amour d’un homme. C’était une décennie plus tôt que le Polonais Krysztof Olaf Charamsa, qui, il y a une semaine, a fait son coming out à la veille de l’ouverture du synode sur la famille à Rome, où il est justement question de la place de l’homosexualité dans l’Eglise. Il témoigne sur LeParisien, pour la première fois à visage découvert. Lui aussi a quitté son ministère pour l’amour d’un homme.
« Je lui dis bravo, même si cela pourrait être contre-productif en braquant les évêques du synode », craint-il toutefois.
A l’époque, pas de buzz planétaire ni de foudres vaticanes. « Moi, je n’ai pas fait de vagues, je n’ai pas envie d’être le héros et le héraut d’une cause », précise d’emblée ce catholique âgé de 51 ans. Contrairement à son camarade de la curie, il n’a pas d’amertume. « J’étais un prêtre heureux », résume-t-il dans son pavillon près de Poitiers qu’il partage avec son compagnon.
«Le premier homophobe, c’était moi»
C’est au séminaire que « tout a basculé », qu’il a « pris conscience » de cette « étrangeté » qui l’attire « vers les mecs ». « J’ai découvert ma sexualité dans les milieux de drague, notamment dans les parcs, avec la crainte de tomber sur des paroissiens », explique-t-il. Le jeune homme en parle alors ouvertement à son accompagnateur spirituel, un prêtre auquel il se confesse. Le regard n’est pas accusateur, au contraire. « Jamais on ne m’a dit au séminaire : Ce ne sera pas possible de devenir prêtre. En fait, le premier homophobe, c’était moi. On se sent différent », souligne-t-il. Auprès de ses collègues séminaristes, en revanche, il ne s’épanche pas, « c’est l’omerta ». « J’ai appris bien plus tard que sur les six de mon groupe, quatre étaient homos », recense-t-il.
En juillet 1995, il est ordonné prêtre. « J’étais tout à fait conscient de mon homosexualité, mais je me disais : Dieu m’aime tel que je suis. Dieu se fout de savoir si je suis homo ou pas. » Il s’investit alors dans son sacerdoce, tout en enchaînant les plans sans lendemain. Mais fin 2004, il fait une belle rencontre et tombe amoureux. Il est alors anéanti. « Je devais choisir entre l’homme que j’aime et la prêtrise », se souvient-il. Il confie son secret à un « groupe de prêtres proches du monde ouvrier ». Puis à son évêque. « Il ne m’a pas condamné, il m’a écouté, a été très bienveillant, tout en m’invitant à ne pas l’ébruiter. Je lui ai répété qu’il était hors de question que je mène une double vie. » Ensemble, ils réfléchissent à « une sortie honorable ».
«Il a fallu me décléricaliser»
En 2005, il est décidé, d’un commun accord, qu’il quitte officiellement sa paroisse, non pas pour un grand amour, mais pour un travail salarié. « Je pars sur la pointe des pieds. Quand je fais mes adieux aux paroissiens, je leur annonce que je vais devenir prêtre-ouvrier. » Il dort encore au presbytère jusqu’au jour où un confrère, ayant appris qu’il était gay, le somme de partir illico. Christian a vraisemblablement été victime de la dénonciation d’un fidèle qui l’a vu en couple. « Là, c’est un tsunami, je fuis, je me réfugie chez mon frère. » Il fait dans la foulée son coming out à sa famille qui réagit plutôt bien.
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Pas simple de quitter la sacristie. « Il a fallu me décléricaliser. J’ai perdu des responsabilités, une reconnaissance sociale. J’ai mis quatre ou cinq ans à m’en remettre », lâche-t-il. Aujourd’hui, il est directeur d’une structure d’insertion. « Je remets les gens debout, c’est très proche de mon ministère au sens de l’Evangile. » Il est toujours croyant, va régulièrement à la messe, anime les chants dans sa paroisse. Celui qui a défendu le mariage pour tous milite pour que « l’Eglise change son regard et ses mots sur les personnes homosexuelles ». Au sein du mouvement homosexuel chrétien ouvert à tous David et Jonathan, il est aussi l’un des fers de lance du groupe prêtres, « un havre de paix, d’écoute, d’accompagnement » pour une vingtaine de curés et d’ex-curés gays.
Voilà dix ans qu’il n’a plus célébré de messe. Aux yeux de l’Eglise, pourtant, il est toujours prêtre. Il y tient. « Je le serai jusqu’à mon dernier souffle », martèle-t-il. Certes, il a été déchargé temporairement de ministère, mais il n’a jamais été relevé de ses fonctions. Il n’ambitionne pas de reprendre du service derrière l’autel, même s’il n’a pas oublié la main tendue de son évêque en 2005. « Il m’avait dit : Quand tu veux, tu reprends un ministère, on t’accueillera toujours. »