Prévention du VIH : L’essai ANRS-IPERGAY montre une diminution de 86 % du risque d’infection

Les résultats de l’essai de PrEP ANRS-IPERGAY étaient attendus et constituent une des premières annonces importantes de l’édition 2015 de la CROI qui se déroule du 23 au 26 février à Seattle. L’Agence nationale de recherche sur le sida et les hépatites virales (ANRS) et AIDES, co-investigateur, ont publié un communiqué de presse (24 février) à ce sujet.

Chez des hommes ayant des relations sexuelles avec les hommes, très exposés par leurs pratiques sexuelles au risque d’infection par le VIH, la prise d’un traitement antirétroviral préventif au moment des rapports sexuels diminue de 86 % le risque d’infection. Les résultats de la première phase de l’étude ANRS-IPERGAY sont présentés oralement aujourd’hui 24 février 2015 à la 22ème Conférence sur les rétrovirus et les infections opportunistes (CROI 2015) à Seattle.

L’essai de référence de prophylaxie pré-exposition (PrEP) chez les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HSH), Iprex, a montré qu’il était possible de diminuer le risque d’infection par le VIH d’environ 44 % avec une prise quotidienne d’un antirétroviral, le Truvada (qui associe ténofovir et emtricitabine). L’étude ANRS-IPERGAY apporte, elle, la première démonstration scientifique qu’un traitement préventif « à la demande », pris par les HSH au moment de rapports sexuels non protégés, diminue de 86 % le risque d’être infecté par le VIH. Cette étude s’effectue dans le cadre d’une offre globale de santé sexuelle avec un accompagnement communautaire.

L’étude ANRS-IPERGAY, dont l’ANRS (…) est le promoteur et le financeur principal, a été menée à partir de 2012 chez 414 hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes dans le cadre d’un essai randomisé en double aveugle (la moitié du groupe prend le Truvada au moment des rapports sexuels, l’autre un placebo). Un ensemble de mesures de prévention était offert à tous les participants : conseils individualisés, distribution de préservatifs et de gel, dépistages répétés du VIH, dépistage et traitement des autres infections sexuellement transmissibles, vaccination contre l’hépatite B et A, mise à disposition du traitement post-exposition…

Après un suivi moyen de près de 13 mois, on constate que 16 participants ont été infectés par le VIH : 14 dans le bras « placebo » et 2 dans le bras « Truvada ». Le risque relatif d’infection est donc diminué de 86 % (intervalle de confiance à 95 % : 40-99 %). Les deux participants infectés dans le bras recevant « Truvada » avaient interrompu la PrEP plusieurs semaines avant la survenue de l’infection. On observe, par ailleurs, une très forte incidence de l’infection (6,6 %) dans le bras placebo chez les participants qui n’utilisaient pas systématiquement le préservatif. Le traitement par Truvada a été globalement bien toléré : il n’a pas engendré plus d’effets secondaires graves que le placebo, mais il a provoqué plus d’effets indésirables, probablement liés au traitement, de type nausées et douleurs abdominales (13 % avec Truvada contre 6 % avec placebo).

« Si nous apportons ce jour une réelle innovation dans la prévention du VIH, nous avons également innové dans la manière dont nous avons mené la recherche, en établissant un partenariat très original avec le monde associatif », explique le professeur Jean-François Delfraissy, directeur de l’ANRS.
« Avec l’association AIDES d’une part, qui a construit avec nous le protocole de recherche, en a co-assuré le suivi et a joué un rôle majeur dans le recrutement et l’accompagnement des participants, et avec un comité d’associations LGBT d’autre part, qui a veillé tout au long de l’étude à ce que soit garanti l’intérêt des participants à la recherche ».
Les résultats d’ANRS-IPERGAY sont obtenus dans une population aujourd’hui la plus touchée par l’infection par le VIH en France et dans la plupart des pays développés. Le nombre de nouveaux diagnostics VIH est dans notre pays d’environ 6 400 par an, dont 43 % concernent les HSH. Selon Bruno Spire, président de AIDES et co-investigateur de l’essai : « L’accompagnement assuré par les équipes de AIDES a certainement permis de garantir un niveau d’observance indispensable à l’efficacité préventive du traitement ».

Le professeur Jean-Michel Molina (Université Paris 7 – Hôpital Saint-Louis, AP-HP, Paris) qui a coordonné l’étude relève que « ces très bons résultats ont été obtenus chez des HSH à haut risque d’infection par le VIH qui n’utilisent pas systématiquement le préservatif ». Il souligne que 34 % des participants ont contracté au cours de l’étude une autre infection sexuellement transmissible, comme la gonorrhée, la syphilis, l’hépatite C ou l’infection à chlamydiae. Il ajoute : « Il est important de ne pas relâcher les politiques de prévention qui ont fait leur preuve : utilisation systématique du préservatif, dépistages réguliers du VIH et des autres IST, et leur traitement ».

Tous les participants de l’étude ont reçu à partir d’octobre 2014 le Truvada. Leur suivi est prévu jusqu’en mars 2016 : cette seconde phase de l’étude permettra de s’assurer du bénéfice et de la tolérance de la PrEP par Truvada sur une plus longue période et de vérifier son impact sur les comportements sexuels. L’ANRS et AIDES saluent de ce point de vue l’implication au long cours des volontaires d’Ipergay.

« ANRS-IPERGAY est un pas indéniable vers une meilleure stratégie globale de prévention où co-existent différents outils permettant de limiter ses risques d’infection en fonction de son niveau d’exposition », souligne le professeur jean-François Delfraissy. Si la plupart de ces outils sont disponibles aujourd’hui, le Truvada n’est à ce jour pas autorisé en France comme traitement préventif contre l’infection par le VIH. A ce titre, Bruno Spire précise : « L’association AIDES a demandé à l’ANSM que soit accordée une recommandation temporaire d’utilisation (RTU) élargissant les conditions d’accès au Truvada pour les personnes vulnérables au VIH. Nous espérons que ces résultats vont accélérer le processus ».

Lancée en février 2012, l’étude ANRS-IPERGAY a inclus 414 hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HSH), très exposés au risque d’infection par le VIH par leurs pratiques sexuelles, séronégatifs, et répartis en France (Paris : Hôpital Saint-Louis et Hôpital Tenon. Lyon : Hôpital de la Croix-Rousse. Nantes : CHU Hôtel-Dieu. Nice : Hôpital de l’Archet. Tourcoing : Hôpital Gustave Dron) et au Canada (CHU de Montréal). Elle est coordonnée par le professeur Jean-Michel Molina (Université Paris 7 – Hôpital Saint-Louis, AP-HP, Paris). L’étude ANRS-IPERGAY est un essai randomisé, mené en double aveugle (ni les participants ni les médecins ne connaissaient le traitement reçu) qui a débuté en 2012. Les participants ont été répartis aléatoirement entre deux bras. Le premier groupe a reçu du Truvada, et le second, le placebo. Les traitements étaient fournis par le laboratoire Gilead. Ils débutaient avant les rapports sexuels et prenaient fin après la période d’activité sexuelle. Chaque participant bénéficiait d’un cadre renforcé de prévention. Depuis octobre 2014, tous les participants sont inclus dans le bras « Truvada ».

L’association AIDES a participé à l’élaboration du protocole et au suivi du projet dans un cadre de « recherche communautaire ». Elle a également participé au recrutement des volontaires et pris en charge leur accompagnement de prévention. Un comité associatif regroupant plusieurs associations LGBT a accompagné l’étude en veillant à ce que l’intérêt des participants soit préservé. La coordination de l’étude a été assurée par le SC10-US019 de l’Inserm (Villejuif) dirigé par le professeur Laurence Meyer.

Franck, 51 ans, fait partie des premiers volontaires

Est-ce que ça a été contraignant ?

Non, en aucune manière en ce qui concerne la prise de comprimés. Je n’ai jamais oublié d’en prendre. Deux heures au plus avant un rapport risqué avec un autre homme, ça n’est pas un obstacle pour moi. Et je n’ai ressenti aucun effet indésirable. Quant au suivi, conseils, groupe de parole, c’est intense, mais je souhaitais justement avoir accès à un centre de santé sexuelle, notamment en cas d' »accident de parcours ».

Cela a-t-il changé vos comportements ?

Non, je reste vigilant. Le Truvada ne couvre pas à 100%. Et il ne protège pas des MST. Dire « prends ton Truvada et laisse tomber le préservatif », c’est criminel. Une fois qu’il sera confirmé comme une arme dans l’arsenal contre le VIH, ce médicament devra s’inscrire dans un dispositif médical. Il ne faudrait pas, à l’avenir, pouvoir prendre ces comprimés sans avoir en parallèle des contrôles de santé fréquents. Sinon, on court à la catastrophe.

Quel est votre sentiment aujourd’hui ?

Je suis fier, depuis le début, de participer à cette recherche, quels que soient les résultats. Je me suis porté volontaire notamment parce que j’avais envie d’apporter ma pierre à l’édifice dans la lutte contre le VIH. Il y avait un aspect militant à ma participation.

avec seronet.info et metronews