« Il y a une répression contre les homosexuels au Sénégal… » Nous vous en parlions il y a quelques jours de ces cinq jeunes femmes prétendument lesbiennes interpellées par la police sénégalaise pour des actes considérés de « contre-nature » dans un bar-restaurant. Elles s’étaient ainsi retrouvées réunies de façon imprévue pour l’anniversaire de la plus jeune qui fêtait ses 16 ans, et l’enterrement de vie de jeune fille d’une autre. Suite à une « bagarre », ce serait le voisinage excédé qui aurait alerté une patrouille, et les cinq femmes ont ainsi été interpellées pour les faits qui leur sont reprochés.
C. Sow, 25 ans, N. Diallo, 30 ans, S.N. Dieng, la plus âgée du groupe qui à 32 ans et F. Ndoye, 25 ans ont reconnu être lesbiennes mais nient toutefois les actes de « contre-nature » pour lesquels elles ont été arrêtées. Selon C. Sow : « les policiers nous ont demandé nos cartes nationales d’identité. Nous n’en avions pas et c’est pourquoi nous avons toutes été arrêtées à l’exception de N. Diallo qui avait son passeport. Il n’y avait aucun acte contre nature ».
Une version également confirmée par N. Diallo qui a soutenu qu’elle s’était laissée embarquer pour ne pas abandonner son amie.
Ex-prostituée, F. Ndoye assure pour sa part qu’elle devait même se marier le jour de la Tamkharite, veille de leur arrestation. Tandis que N. S. Dieng, affirme n’être venue au « piano-piano » que pour assister à l’anniversaire de sa copine, B.N.Dieng, qui sera d’ailleurs jugée à part ce vendredi dans un Tribunal en charge des mineurs.
Le procureur a demandé l’application de la loi et les avocats de la défense, la relaxe, au bénéfice du doute à titre subsidiaire et à titre principal, la relaxe pure et simple. Verdict à suivre. Surtout que depuis quelques jours, la polémique dans le pays ne cesse d’enfler.
Seydi Gassama, président d’Amnesty International Sénégal, réfute quand à lui la thèse du lesbianisme et parle d’excès de zèle de la police. Pis, le Sénégal serait en train de renier « ses engagements pris au niveau international ». « Il y a une répression contre les homosexuels au Sénégal » assène-t-il.
« On est en train d’assister à une série d’arrestations tous azimuts d’homosexuels. Chaque jour sur les journaux, les homosexuels sont arrêtés. Il y a un excès de zèle de la police. C’est ce qui s’est passé à Mbour, les gens se sont bagarrés, on ne les a pas pris la main dans le sac et on les a arrêtés. Elles sont peut être lesbiennes. Mais, personne ne dira qu’on les a vus commettre des actes « contre-nature ». Même si l’opinion publique veut fortement que ces gens soient arrêtés et mis en prison, l’Etat du Sénégal doit penser aux engagements qu’il a pris au niveau international » a déclaré Seydi Gassama, affichant sa volonté de saisir l’Organisation des Nations Unies (ONU) face à l’inertie de la justice sénégalaise.
Dans la presse locale c’est la chasse aux sorcières. Tout un amalgame et on a pu lire dans un quotidien dakarois paru peu avant la comparution des jeunes filles, qu’elles auraient reconnu les faits et assumé les actes posés, pourtant lourdement réprimés par le code pénal sénégalais : « …elles ont rendez-vous avec le destin, avec l’histoire: leur condamnation confortera une bonne majorité de Sénégalais, la classe religieuse et les organismes de défense et de sauvegarde des valeurs culturelles en particulier. Alors que leur relaxe ne manquera pas de servir de prétexte aux lobbies homosexuels et leurs pressions multiples… Le Sénégal, jusqu’ici, demeure l’exception à cette tentative d’uniformisation de ce que l’Occident considère comme des valeurs prétendues universelle. »
Et voilà, le mot est lâché au Sénégal également : les soi-disant « lobbies » prêts à tout pour obtenir gain de cause et faire plier le pays, comme ils auront réussi pour la France et les Etats-Unis, entre autres. Toute une conspiration mondialement gay ? Et ce sont ces jeunes femmes qui en font les frais !
On aura pu également apprécier dans une tribune l’éloge de Monsieur Poutine, dont les idées citées pour exemple gangrènent dangereusement la société sénégalaise, en voie pour s’aligner sur ce type de législation homophobe : « En conclusion il serait plus simple d’envisager, comme veut le faire Vladimir Poutine pour la Russie, de réviser les accords d’adoption avec les pays qui ont légalisé le mariage et l’adoption homosexuels, et d’interdire tout bonnement l’adoption d’enfants sénégalais par des ressortissants de ces pays. Comme disait Poutine à juste titre, si ces pays ont le droit d’agir ainsi, ils ont aussi l’obligation de respecter les traditions culturelles, les normes éthiques, législatives et morales des autres pays. Ils n’ont pas le droit de privilégier le confort et les intérêts matériels de leurs homosexuels, au détriment de l’intérêt supérieur de nos enfants. »
On s’en souvient, le Garde des Sceaux, Sidiki Kaba, déclarait en octobre dernier : «Il n’existe pas dans la législation sénégalaise un texte incriminant l’homosexualité… Aucune personne n’est détenue au Sénégal en raison de son homosexualité». Ces assurances d’un ministre qui par le passé s’était fait l’avocat de la cause homosexuelle à travers le monde sont donc plus que jamais à l’épreuve dans cette affaire. Et notre combat pour l’égalité de tous d’autant plus évident.
T.G./J.B. @stop_homophobie