Le 20 août dernier, quelques jours après la tenue à Montréal des célébrations de la Fierté LGBT, le mensuel québécois Fugues, dédié à la communauté homosexuelle, apprenait avec surprise la décision du Groupe Jean Coutu, de suspendre sa distribution du magazine dans les diverses pharmacies de la chaîne. Une décision renversée en moins de 48 heures grâce à l’intervention notamment des internautes.
Le prétexte évoqué au départ par le directeur principal des Opérations détail du Groupe, Patrice Caron, était que Fugues «est un magazine sexuel»… voire érotique.
Le magazine répond pourtant à un besoin d’information légitime et d’intérêt public réclamé d’ailleurs par les clients de Jean Coutu, qui l’avaient recommandé au fil des ans. Et bien qu’il puisse ne pas plaire à tous (par sa forme, certaines publicités qu’on peut y trouver où les sujets qui y sont abordés), le mensuel n’est EN RIEN une publication érotique.
Dix-huit pharmacies permettaient sa distribution parmi d’autres publications gratuites dans l’entrée des « pharmacies – magasins » de grandes surface, dans lesquelles on peut également faire ses courses. Chaque mois, tous les exemplaires (un peu moins de 2000) trouvaient preneur et n’aura jamais suscité beaucoup de plaintes de la part de la clientèle. Et, si plaintes il y avait, d’autres réponses que l’interdiction du magazine auraient pu être envisagées.
Un bien étrange message adressé à la clientèle fidèle qui risquait fort probablement d’interpréter cela comme une forme de rejet du type : «n’ayez pas trop l’air homo», «on ne veut pas de magazines comme ça, ici» «vous n’êtes plus les bienvenus» et «on veut votre argent, mais n’exprimez surtout pas votre réalité»…
Visiblement agacé par l’insistance de Yves Lafontaine, rédacteur-en-chef du magazine, Patrice Caron, a précisé que cette décision était celle du Groupe Jean Coutu et qu’elle était «finale et sans appel».
Mais, puisque cette décision semblait émaner de la haute direction d’une grande entreprise respectée, un fleuron du Québec, qu’on dit pourtant ouvert à la différence, Yves Lafontaine a rédigé un éditorial, publié en manchette de « L’infolettre de Fugues » (le jeudi 21 aout) et relayé via les réseaux sociaux, qui est devenu viral en quelques heures. L’article a provoqué un déluge de commentaires sur les pages Facebook de Fugues et des Pharmacies Jean Coutu, forçant le groupe à émettre le communiqué suivant, le lendemain pour rétablir les faits :
>> Nous tenons à vous informer que nous avons bien pris connaissance de votre éditorial et nous sommes sincèrement désolés de cette situation. Le retrait envisagé de votre revue n’émanait pas d’une décision corporative et je vous assure qu’elle ne sera pas retirée de nos succursales. C’est une revue de qualité dont nous reconnaissons l’importance. Voici le texte que nous avons publié sur nos plateformes sociales ce matin : Le Groupe Jean Coutu souhaite assurer à la communauté que le magazine Fugues continuera d’être distribué dans les succursales de son réseau. Le retrait envisagé n’émanait pas d’une décision corporative. Nous nous excusons sincèrement auprès de la communauté lesbienne, gaie, bisexuelle, transsexuelle et transgenre (LGBT) ainsi qu’à tous ceux et celles qui ont pu être offensés par cette situation.
Hélène Bisson, Vice-présidente Communications, Groupe Jean Coutu
« L’erreur serait donc «humaine» » s’interroge Yves Lafontaine, en réponse au communiqué. « C’est déjà ça de pris. On verra quels seront les prochains gestes officiels de l’entreprise au niveau du soutien à la communauté et de la formation de son personnel, »
« Je serai tenté de dire — si, on me demande — que pour s’assurer qu’un problème du genre ne se reproduise plus à l’avenir, le Groupe Jean Coutu (et bien d’autres entreprises d’ailleurs) devrait offrir une formation sur la diversité sexuelle, du type du projet Pour une nouvelle vision de l’homosexualité. Ce genre de formation est donnée dans le cadre d’une session intensive d’une journée incluant quelques exposés et périodes de questions-réponses. Elle repose avant tout sur des méthodes de formation dynamiques et interactives.
Évidemment, la formation requiert l’implication volontaire des personnes participantes afin de provoquer de réels changements en ce qui a trait à leurs connaissances, leurs attitudes et leurs habiletés auprès des personnes d’orientation homosexuelle ou bisexuelle et à leurs aptitudes à répondre aux commentaires de la clientèle en ce qui a trait à leur ouverture d’esprit face aux minorités sexuelles.
Peut-être, Jean Coutu devrait-elle, comme entreprise, devenir membre corporatif de la Chambre de commerce Gaie du Québec, par exemple, comme bien d’autres pharmacies, ou commanditer certains projets de groupes communautaires et, pourquoi pas, avoir une communication plus directe et régulière avec la communauté LGBT, qui compte, doit-on le rappeler, parmi les meilleurs clients des pharmacies…
Alors que nos sociétés recherchent des travailleuses et des travailleurs compétents et engagés, que les gais et les lesbiennes représentent dix pour cent de la population, qu’ils sont présents dans tous les milieux de travail, les ignorer ou leur donner l’impression qu’ils sont rejetés est une erreur économique et sociale. »
STOP Homophobie Officiel