Tel était le fil conducteur de la rencontre proposée samedi à l’accueil Marthe et Marie à Lomme par la pastorale familiale du diocèse de Lille et le mouvement David et Jonathan.
Une question posée alors que les trois diocèses de la région réfléchissent à l’avenir des paroisses mais qui s’inscrit aussi dans une série de propositions (des retraites dans le diocèse de Cambrai, une journée l’an dernier à Marcq-en-Barœul). «Nous avons le désir de créer des liens, un espace de rencontre, de dialogue et peut-être déplacer quelques frontières qui ont parfois servi à exclure», indique en préambule Richard Delecroix, délégué à la pastorale familiale.
Trois témoignages d’abord, en guise d’introduction. Celui de Lionel, baptisé et homosexuel qui raconte deux expériences. La première lorsqu’il parle de sa sexualité au curé de sa paroisse, qu’il connaissait très bien. Et la réponse, «cinglante»: «Ce que tu vis, c’est une déviance et une perversion.» La deuxième, c’était il y a un mois, lorsque Lionel est retourné dans sa paroisse, un peu tremblant, pour présenter son mouvement, David et Jonathan. «Un nouveau curé était arrivé, j’ai été très bien reçu.»
Ne pas être réduit à sa sexualité
Les seconds à intervenir sont Myriam et Benoît. Mariés depuis 40 ans, parents de 6 enfants, très impliqués dans la vie ecclésiale. «Avec Clément, nous avons toujours senti une différence. Un soir, il m’a avoué son homosexualité», raconte Myriam. Le couple évoque leurs discussions avec un pasteur, avec des associations de parents d’homosexuels, un prêtre, l’annonce aux frères et sœurs de Clément, «l’angoisse du qu’en dira-t-on?». Ils s’appuient sur leur foi. «En 20ans, je suis passé de l’homophobie à l’accueil de mon fils et de son compagnon et la révélation que nous sommes tous aimés de Dieu», soutient Benoît.
Quant au troisième témoin, il lui fallait oser parler devant cette assemblée. Léonard a manifesté contre le «mariage pour tous», «peiné par la disparition du mot père». Celui qui «ne connaissait pas les homosexuels», se pose des questions lorsqu’il est «traité de fasciste». Il décide alors de se rendre au salon lesbien, gay, bi et trans à Lille. «J’ai la chance de rencontrer une amie de mes filles et à la fermeture, je découvre le stand de David et Jonathan. J’ai pu être moi-même, poser des questions franches. Ce sont des liens interpersonnels qui changent le regard, même si mes questions demeurent.»
Les échanges dans les groupes qui se forment ensuite rejoignent ces témoignages. Un appel revient à plusieurs reprises: que les personnes homosexuelles soient regardées comme des personnes, qu’elles ne soient pas réduites à leur homosexualité et que toute personne homosexuelle en couple puisse avoir sa place dans l’Église: baptisée, parrain, marraine, témoin de mariage, engagement dans un mouvement, etc. pour que la rencontre proposée à Lomme samedi, n’ait un jour plus lieu d’être.
>> Point de vue : le dialogue impossible !
Durant l’échange, une dame le rejoint et se contente d’écouter. À la fin, une personne lui propose de s’exprimer. La dame dit alors qu’elle est choquée par tout ce qu’elle vient d’entendre. Après avoir précisé qu’elle est membre de la Manif pour tous et chrétienne et avoir soutenu que son mouvement n’est pas homophobe, elle déclare que pour elle, l’homosexualité est «contre nature» et s’inquiète de l’influence de notre société sur les enfants à ce sujet. Plusieurs personnes homosexuelles tentent d’entrer en conversation avec elle. L’échange tourne vite court. Cette dame va se retrouver alors seule dans la pièce. Une autre, dont le fils est homosexuel, est sortie pour pleurer, elle aussi choquée par les propos qu’elle venait d’entendre et déjà meurtrie par les prises de parole de la Manif pour tous pendant la durée du débat sur le mariage pour les personnes homosexuelles. Un dialogue de sourds, personne ne peut entendre l’opinion de l’autre. Deux registres différents: le témoignage sur l’accueil des personnes homosexuelles dans l’Église et une réflexion intellectuelle sur la nature de l’homosexualité et l’évolution des mœurs dans la société. La rencontre et le dialogue ne sont pas encore possibles pour tout le monde.
Cécile Huyghe