Il ne fait pas bon être noir de peau et homosexuel au Maroc. Le récit d’Hervé Obiang, un Camerounais résidant actuellement à Tanger, en témoigne. Ayant quitté son pays dans l’espoir de trouver une vie meilleure en Europe, le jeune homme avoue que ses jours ne sont pas « plus simples » au Maroc où les Subsahariens, candidats à l’immigration, sont souvent cibles d’insultes racistes et de violences policières. Détails.
« J’ai quitté le Cameroun il y a un peu plus d’un an, car ma vie là-bas n’était plus supportable », confie d’emblée Hervé Obiang, un ressortissant camerounais qui vit actuellement à Tanger, en attendant de pouvoir rejoindre l’Europe. A travers son témoignage, publié ce jeudi 8 août par le site web de France 24, ce jeune homme revient sur son « calvaire » quotidien au Maroc, entre discriminations et violences de la part des policer marocains. Son homosexualité ne lui facilite pas non plus les choses.
« Je me prostitue pour vivre »
« J’ai quitté le Cameroun il y a un peu plus d’un an, car ma vie là-bas n’était plus supportable. L’homosexualité est très sévèrement réprimée et je risquais ma vie ou d’être mis en prison pour plusieurs années si je me faisais remarquer. J’ai donc migré vers le Maroc dans l’espoir d’accéder à l’Europe depuis Tanger », raconte-t-il. Au Cameroun, comme au Maroc et dans de nombreux pays africains, l’homosexualité est, en effet, considérée comme un délit, punissable de prison.
« Depuis que je suis ici, ma vie n’est pas plus simple : comme tous les Subsahariens, je suis victime de racisme en permanence. Par exemple, c’est quasiment impossible de trouver du boulot : j’ai une formation de pâtissier, mais personne n’a voulu m’embaucher parce que je suis Noir. Presque tous les migrants sont au chômage », poursuit-il. Pour subvenir alors à ses besoins, le jeune homme est obligé de se prostituer de temps à autre. « Pour vivre, ils (Ndlr : les migrants subsahariens) comptent sur l’aide de leur famille, ou alors mendient. Pour ma part, je me prostitue de temps en temps, ça me permet d’avoir un peu de sous mais j’ai du mal à joindre les deux bouts », confie-t-il.
Dépouillés
Hervé Obiang assure également que la police marocaine peut parfois être très violente. Il raconte qu’il y a une semaine, une intervention policière dans le quartier Boukhalef a mal tourné. Selon lui, les migrants subsahariens qui y résidaient se sont faits tabasser « comme des chiens » par les agents polices. Certains se seraient même faits dépouiller de leur argent.
« La police ne cesse pas de nous harceler. La semaine passée, ils sont venus à 5h30 du matin dans notre quartier de Boukhalef où résident beaucoup de Subsahariens, ont tambouriné aux portes et les ont défoncées lorsque les gens ne voulaient pas ouvrir. Ils nous ont dépouillés du peu d’argent que nous avions, de nos portables, puis nous ont mis violement dans des bus, femmes et enfants compris. Ceux qui résistent se font tabasser comme des chiens. Les bus ont roulé plusieurs dizaines de kilomètres et nous ont lâchés entre Rabat et Oujda. Nous avons alors dû rentrer chez nous soit en stop soit à pied. C’est la cinquième fois que cette opération se produit depuis que je suis ici. Certains ont fini par se décourager et rentrer dans leur pays d’origine, mais la plupart restent, car ce n’est pas bien vu de revenir sans avoir réussi à partir en Europe », explique-t-il.
Et de poursuivre : « À force de nous faire déloger, nous avons construit nos propres abris à quelques centaines de mètres de Boukhalef, où nous vivons désormais. Ce sont des petits bungalows comme ceux-ci. C’est petit, nous sommes à cinq ou six par habitation, ça permet d’avoir moins froid en hiver. Nous les construisons avec ce qu’on trouve : pierres, cartons, et bâches ».
« Sales noirs »
Depuis qu’il est au Maroc, Hervé Obiang a, d’ores et déjà, tenté de rejoindre l’Espagne à quatre reprises, en vain. « Lors de mes quatre tentatives pour rejoindre l’Espagne en bateau, qui m’ont coûté entre 150 et 300 euros selon les passeurs, je me suis aussi fait tabasser par la police : à chaque fois, leur bateau rattrape le nôtre, tourne autour pour provoquer de grosses vagues qui renversent notre zodiac. Puis ils nous embarquent sur leur bateau et nous ramènent à Tanger. Au commissariat, ils nous frappent à coups de matraque, nous disent qu’on a rien à faire là, qu’on doit rentrer chez nous et nous traitent de « sales noirs » », déplore-t-il.
Le jeune homme assure que « ces insultes sont aussi courantes au quotidien de la part des Marocains ». « Très souvent dans la rue, des gens nous traitent de « sales noirs », nous crachent dessus, nous disent qu’on salit leur ville… Plusieurs de mes amis se sont déjà fait bastonner juste à cause de leur couleur de peau. C’est terrible d’être traité comme des chiens sur notre propre continent ».
Attrapé par les cheveux
Mis à part la couleur de peau, Hervé raconte avoir été agressé, une fois au marché, à cause de son homosexualité. « Pour ma part, le fait que je sois homosexuel ne fait que compliquer ma situation. Nous sommes une trentaine à Tanger, venus du Cameroun, de Guinée, du Congo… Nous sommes régulièrement la cible d’insultes, on s’entend dire qu’on ne devrait pas exister, qu’on va nous couper la tête… Un jour, je revenais du marché, et un groupe d’une quinzaine de Marocains m’a lancé « zédé » (homosexuel, en arabe marocain). J’ai eu le malheur de les regarder, et l’un d’eux m’a alors foncé dessus, m’a attrapé par les cheveux et m’a frappé, aidé par les autres. Plusieurs semaines après, je porte encore les traces de cette agression, cicatrices et hématomes », se souvient-il.
Hervé Obiang espère à présent trouver de l’aide auprès du haut commissariat aux réfugiés des Nations unis. « Je viens de déposer mon dossier au Haut Commissariat aux réfugiés de l’ONU. J’espère qu’il sera accepté, et que cela facilitera mes démarches pour aller en Europe, où j’espère, je pourrais mener une vie plus apaisée ».
Selon un récent rapport de l’Association marocaine des droits humains (AMDH), publié mercredi 31 juillet, 6406 migrants clandestins, dont la majorité d’origine subsaharienne, ont été expulsés du territoire marocain, entre début 2013 et le 1er juillet dernier. « Les mauvais traitements et les brutalités contre les migrants n’ont pas cessé depuis le début de l’année en cours », a alors déclaré Hassan Aammari, responsable de la commission de l’immigration de l’AMDH. Des violences et brutalités » de la part de la police marocaine sont également signalés dans le rapport.
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Par Ghita Ismaili