Deux présumés homosexuels qui échappent à l’arrestation. Deux filles qui portaient des jupes courtes trainées en justice pour « outrage public à la pudeur ». Ce sont là les derniers exemples d’une radicalisation de la société. Une dérive à laquelle contribue les autorités.
Le mouvement « Touche pas à mes mœurs » (qui se veut le défenseur des valeurs et principes des Marocains contre les appels réclamant par exemple l’abrogation de l’article 489 du Code pénal condamnant l’homosexualité), a désormais ses adeptes dans la région du Souss. Visiblement, l’affaire des deux jeunes de Rabat, condamnés respectivement à quatre mois de prison pour « obscénité » et « atteinte à la pudeur », a fait des émules dans la ville touristique du sud.
Profitant du laxisme des autorités, lundi soir, des clients d’un café à Agadir se sont érigés en « brigade de la vertu », à l’instar de pays tel que l’Arabie saoudite. Ils ont encerclé deux présumés homosexuels, les empêchant par la force de quitter les lieux jusqu’à l’arrivée de la police pour les arrêter. Le pire a été évité grâce à l’intervention d’un autre client qui a réussi à appeler un taxi et sauver ainsi les deux individus prétendument homosexuels d’une interpellation par la police.
La police et la justice participent à la radicalisation de la société
Une chance que deux étudiantes d’une école de coiffure à Inzegane n’ont pas eue. Dans un marché local, une foule en rage contre les jupes courtes qu’elles portaient a contraint la police à leur arrestation. L’affaire est arrivée aux mains de la justice où elles sont poursuivies (en état de liberté) pour « outrage public à la pudeur ». La première audience de leur procès est fixée au 6 juillet. Les deux filles risquent entre un à deux mois d’emprisonnement et une amende de 500 dh, selon l’article 483 du code pénal.
Sur le net la mobilisation en soutien des filles d’Inzegan s’organise. Une pétition de solidarité sous le titre : « Nous sommes tous concernés ! Mettre une robe n’est pas un crime ! », enregistre un relatif succès. L’objectif de 2000 signatures espéré hier par les promoteurs de l’initiative est largement dépassé, avec 4168 signatures cet après-midi.
Ces deux cas ne sont que la face émergente de l’iceberg. Les exemples alertant des dangers d’une certaine radicalisation de la société marocaine se multiplient. Et le pire que la police et la justice y participent.
Si aujourd’hui à Inzegan et Agadir les victimes des « Brigades de la vertu » sont des Marocains, le même traitement sera-t-il demain appliqué aux touristes étrangers ?
Par Mohammed Jaabouk