Regroupement familial Les homosexuels américains comptent sur Obama

Edwin Echegoyen et Rodrigo Martinez (photo) se sont mariés à Washington, mais pour l’Etat fédéral américain, ils pourraient aussi bien n’être que colocataires. Rodrigo compte aujourd’hui sur Barack Obama et sa réforme de l’immigration promise pour obtenir, enfin, des papiers.

Cet immigré en situation irrégulière vient du Salvador. En 2003, il rencontre Edwin, un Américain d’origine salvadorienne, dans une salle de gym. Les deux hommes emménagent plus tard dans un appartement à une demi-heure de Washington. Et se marient le 1er mars 2011 dans la capitale américaine, qui autorise le mariage entre deux personnes du même sexe.

Mais la loi fédérale américaine ne reconnaît pas ces mariages, contrairement à neuf autres Etats qui les ont légalisés. Les services de l’immigration ne peuvent donc pas accorder de permis de séjour – « carte verte » – au mari d’Edwin.

« Nous sommes ensemble depuis dix ans, dont huit passés à se battre en justice. Et nous en sommes à près de 38.000 dollars dépensés en frais d’avocats », raconte Edwin dans son salon. « C’est cher ».

Si Edwin avait épousé une femme, celle-ci aurait obtenu une carte verte en environ un an, puis la nationalité américaine après cinq ans. Le couple a au contraire dû se battre contre de multiples ordres d’expulsion, qu’un juge a finalement suspendus en septembre. Cas exceptionnel, Rodrigo a gagné un permis de travail provisoire, dans l’attente de l’examen de sa deuxième demande de carte verte.

Depuis la conversion de Barack Obama au « mariage pour tous » en mai 2012, les couples homosexuels espèrent obtenir les mêmes droits d’immigration que les couples mariés hétérosexuels, comme une vingtaine de pays le permettent, dont la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni.

La Cour suprême, plan B

Le coeur de la bataille échappe pourtant au contrôle du président. Au Congrès, démocrates et républicains négocient sur une remise à plat ambitieuse du système d’immigration, avec la régularisation probable de nombre des 11,5 millions de sans-papiers.

Un consensus fragile s’est formé autour d’un principe de base: accorder des papiers à ceux arrivés enfants dans le pays, et qui n’ont jamais enfreint la loi.

Des démocrates veulent aller plus loin et créer la catégorie d’immigration de « partenaire permanent » pour contourner la loi de « Défense du mariage » (« Doma »). Celle-ci, votée en 1996, interdit la reconnaissance par l’administration des mariages entre personnes de même sexe.

« La Doma force beaucoup d’Américains à choisir entre le pays qu’ils aiment et la personne qu’ils aiment. Cette politique destructive déchire les familles », explique le démocrate Patrick Leahy, promoteur de cette mesure au Sénat.

Mais les républicains, qui contrôlent une minorité de blocage au Sénat et la majorité à la Chambre, estiment que le sujet est secondaire.

« Quel est le plus important? Les droits LGBT ou la sécurisation de la frontière? » demandait John McCain récemment. « Charger la barque avec des questions de société est le meilleur moyen de tout faire échouer ».

Un autre républicain, Lindsey Graham: « Et pourquoi on ne rajouterait pas la légalisation de l’avortement pendant qu’on y est? »

L’autre espoir repose sur la Cour suprême, qui se prononcera en juin sur la constitutionnalité de la loi « Doma » et pourrait en théorie forcer l’Etat fédéral à reconnaître le mariage gay.

A Washington, un autre couple surveille de près les débats. Erwin de Leon, un Philippin, a épousé en 2010 John Beddingfield, américain et pasteur d’une église épiscopale. Erwin, 46 ans, enchaîne les visas depuis des années et tente de trouver un employeur pour le « sponsoriser », seul autre moyen légal d’obtenir un permis de séjour.

Son mari, qui officie depuis 2007 dans son église, constate le paradoxe de sa charge: il marie les couples, mais son propre mariage n’a aucune valeur au regard de son pays.