« C’est historique, mais il a pris un risque »: au Stonewall Inn, café emblématique de la communauté homosexuelle de New York (photo), l’heure était à la fête mêlée d’un peu d’inquiétude mercredi soir, après le soutien apporté par le président Obama au mariage homosexuel.
Il n’a fallu que quelques minutes pour que l’information soit affichée, sur le panneau habituellement utilisé pour les menus, sur le trottoir du café de Greenwich village: « Obama soutient le mariage gay, ça s’arrose ».
Ari Spectorman, un gestionnaire de fortune de 50 ans, de passage à New York est extatique. « C’est historique, je suis très heureux », dit-il en soulignant que Barack Obama est le premier président à apporter son soutien au mariage homosexuel.
« Le vent a tourné. Cela prouve à quel point les mentalités changent vite. Les hommes politiques n’ont plus peur. Avant ce n’était pas bien d’être pour (le mariage homosexuel), maintenant ce n’est pas bien d’être contre », dit-il.
Don Murray, 47 ans, qui fait la fête avec son compagnon, deux margaritas et autant de bières, salue aussi un « grand geste ». Mais il aurait préféré que le président attende un peu.
« Je ne voudrais pas que cela mette en danger sa réélection », explique-t-il.
« Et cela va rendre la tâche plus dure pour les démocrates qui se présentent à la chambre des représentants, car avec la droite religieuse, nous avons 30% de dingues dans ce pays », ajoute-t-il.
Dans la pénombre du bar, où la lumière n’arrive que tamisée, Bryan Ellicott, 22 ans, transsexuel et bisexuel, casquette de base-ball vissée sur la tête, balaie cette inquiétude d’un revers de phrase en sirotant sa bière. « Il sera réélu. Toute la communauté homosexuelle va le soutenir » affirme-t-il.
« Je suis content qu’il l’ait enfin dit » ajoute-t-il. « Nous avons besoin d’égalité. Cela faisait un certain temps qu’il évitait de prendre clairement position ».
A New York, le mariage homosexuel est autorisé, et pour beaucoup, l’annonce du président ne changera rien. Certains expliquent d’ailleurs ne pas croire en cette « institution ».
« Si je veux quitter New York, cela m’aidera » souligne cependant Bryan. « Même si la vie n’en est pas tout de suite plus facile, l’horizon s’améliore ».
Niki Buchanan, 37 ans, a appris la bonne nouvelle par un SMS de son colocataire. Dans le café, plusieurs clients accrochés à leur téléphone portable twittent d’ailleurs à tout va.
Venu de l’Ohio pour « vivre son rêve » d’acteur, paupières dorées et longue queue de cheval, Niki ne tarit pas d’éloge sur Obama. « Aucun président n’a jamais fait ça. Il essaie de changer les mentalités, il croit en la personne humaine », dit-il.
« Je serai le premier dans la file d’attente, le jour où il faudra voter pour lui », ajoute-t-il.
Au comptoir du bar, Rick, 48 ans, grommelle et n’a pas l’intention de faire la fête. Il refuse de s’associer à la joie générale.
Obama « a fait une grave erreur stratégique » estime-t-il en faisant la liste des Etats qui pourraient basculer dans le camp républicain lors de l’élection présidentielle de novembre. « Il vient d’en perdre cinq », dit-il. « Il se pourrait qu’il ne soit pas réélu. »
Mais dans un autre coin du bar, l’heure est plus romantique.
Don et son compagnon Clarence parlent de mariage, apparemment pour la première fois. Ils en sont visiblement tout émus.