Alors que les communautés LGBT+ du Congo-Kinshasa sont encore sous le choc de l’annonce d’une 5ème proposition de loi, présentée par le député Constant Mutamba, visant à criminaliser l’homosexualité – avec des peines allant jusqu’à 10 ans de prison ferme, voire 15 ans dans certains cas, dans ce pays qui n’est pas traditionnellement répressif – un juriste local a décidé de partager son expertise sur la législation congolaise.
Mandou Beaupein (pseudonyme) : « Dans un premier temps sur les réseaux sociaux, le député Constant Mutamba a laissé entendre qu’il voulait réintroduire l’esclavage en République Démocratique du Congo (RDC) pour punir les personnes LGBT+ de leur homosexualité.
Soyons clairs, en l’état actuel du droit, c’est impossible, puisque la RDC a signé et ratifié plusieurs engagements internationaux, parmi lesquels : la Convention relative à l’abolition de l’esclavage, la Convention supplémentaire relative à l’abolition de l’esclavage, de la traite des esclaves et des institutions et des pratiques analogues à l’esclavage, la Convention de l’Organisation Internationale du Travail concernant le travail forcé ou obligatoire, la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples et les protocoles additionnels.
Aussi l’arsenal pénal congolais stipule à l’article 68 bis de la loi N°22/067 du 26 décembre 2022 que « constitue une exploitation le fait de soumettre une personne au travail forcé ou à la servitude, à la prostitution, à la servitude sexuelle, à la mendicité forcée, au prélèvement d’organes ou de tissus organiques, au mariage forcé ou à d’autres pratiques analogues à l’esclavage ».
Cependant un examen appuyé de la proposition de loi de Mutamba, ainsi que ses récentes déclarations sur X laissent entrevoir qu’il souhaite que les personnes LGBT+ – appelées « papa papa » et « maman maman » dans un sabir infantile pour éviter d’être banni des réseaux sociaux pour incitation à la haine – soient placées dans des centres de détention pour des durées allant de 5 à 10 ans, voire plus.
« Concrètement, cela entre en violation flagrante avec les orientations des politiques de santé publique du pays et notamment en termes de lutte contre l’épidémie de VIH/SIDA, puisque l’article 2-5 de la loi 08/011 du 14 juillet 2008 interdit expressément les discriminations faites aux groupes vulnérables, particulièrement exposés au risque d’infection à VIH, tels que les homosexuels.
Enfin, nous avons l’article 16 de la loi 18/035 du 13 décembre 2018 fixant les principes fondamentaux relatifs à l’organisation de la santé publique qui proscrit toute forme de discrimination dans le domaine de la santé.
Dans ce contexte, je pense que la proposition de loi de Mutamba est en total déphasage avec notre arsenal juridique, mais pour autant cette instrumentalisation de l’opinion publique congolaise sur la question LGBT+ ne doit pas être traitée à la légère, puisque Mutamba qui cherche à se présenter en tant que leader de l’opposition, n’hésite pas à souffler sur les braises de la haine ».
Notons que dans son dernier live, Constant Mutamba parle de l’homosexualité comme d’un cancer, après avoir dit qu’elle était une des causes du cancer dans des propos très confus et virulents, où il tient également les homosexuels pour responsables des défaillances d’entreprises privées.