Des chercheurs américains sont parvenus à modifier génétiquement des cellules immunitaires de 12 malades infectés par le VIH pour créer une résistance naturelle au virus permettant à certains d’arrêter jusqu’à trois mois leur thérapie antirétrovirale, révèle mercredi une étude.
«Cette étude clinique montre qu’il est possible de modifier en toute sûreté et efficacement les cellules immunitaires, les lymphocytes T, d’un patient séropositif pour créer une résistance naturelle au VIH», le virus de l’immunodéficience humaine, explique le Dr Carl June, professeur d’immunothérapie à la faculté de médecine de l’Université de Pennsylvanie.
«Ces cellules modifiées transfusées dans l’organisme des malades ont persisté dans leur corps et permis potentiellement de réduire la charge virale sans utiliser d’antirétroviraux», poursuit le principal auteur de ces travaux publiés dans le New England Journal Of Medicine. «Cela renforce notre conviction que des cellules immunitaires T sont la clé pour éliminer le besoin de prendre des antirétroviraux toute sa vie, ce qui peut potentiellement conduire à une forme de guérison», selon ce chercheur.
Pour cette étude clinique, le Dr June et son équipe ont modifié des cellules T de ces patients afin de reproduire une mutation rare dans le gène «CCR5» qui empêche le VIH de pénétrer dans les cellules immunitaires. Cette mutation, présente seulement chez 1% de la population, confère une résistance naturelle au virus du sida.
L’équipe a traité 12 patients avec une seule perfusion d’environ 10 milliards de cellules T génétiquement modifiées, entre mai 2009 et juillet 2012. Six ont cessé de prendre des antirétroviraux pendant 12 semaines, en commençant un mois après la perfusion, tandis que les six autres ont poursuivi leur traitement antirétroviral.
Les cellules T modifiées ont persisté dans l’organisme des patients, comme l’ont montré les analyses sanguines effectuées durant les visites de contrôle.
«Résultats potentiellement importants»
Le déclin de ces cellules T modifiées a également été nettement moindre que celui de celles qui n’avaient pas été modifiées dans l’organisme des malades ayant interrompu les antirétroviraux.
Cette approche s’est aussi montrée prometteuse pour supprimer le virus. La charge virale – le taux de VIH dans le sang – a fortement baissé chez quatre des patients ayant arrêté de prendre des antirétroviraux pendant 12 semaines. Chez un des malades ayant hérité d’une partie de la mutation génétique CCR5, la charge virale était indétectable.
«Ce cas nous a donné une meilleure compréhension de cette mutation et de la réponse de l’organisme à cette thérapie», a relevé le Dr Bruce Levine, professeur à la faculté de médecine de l’Université de Pennsylvanie, un des co-auteurs de l’étude.
Les thérapies cellulaires ciblant la mutation CCR5 suscitent un intérêt grandissant ces dernières années, surtout après qu’un séropositif connu comme «le patient de Berlin», l’Américain Timothy Brown, a été déclaré guéri après une greffe de moelle osseuse d’un donneur présentant cette mutation génétique. Cette greffe visait à traiter une leucémie.
Les chercheurs cherchent à reproduire cette mutation par cette thérapie génétique, car une greffe de moelle osseuse est risquée et ne peut pas être considérée comme une solution pour les séropositifs qui ne souffrent pas de leucémie. De plus, les donneurs porteurs de la mutation CCR5 sont rares.
Ces scientifiques soulignent que d’autres essais cliniques seront menés pour évaluer l’injection d’un plus grand nombre de cellules T modifiées sur un plus grand nombre de patients.
«Ces résultats sont potentiellement importants», a jugé le Dr Anthony Fauci, directeur de l’Institut américain des allergies et maladies infectieuses, qui a financé cette recherche. Toutefois, «nous sommes encore loin d’avoir quelque chose qui puisse être applicable cliniquement à des personnes infectées par le VIH», a-t-il dit à l’AFP, ajoutant qu’il ne faisait toutefois «aucun doute que c’était prometteur».
Ce virologue a aussi jugé important deux études dévoilées mardi montrant que des injections d’antirétroviraux contre le VIH ont totalement protégé pendant plusieurs semaines des singes de l’infection, ouvrant la voie à une percée pour prévenir la maladie chez les humains.
Jean-Louis SANTINI
WASHINGTON