Edouard Molinaro, qui est mort à Paris, samedi 7 décembre, à l’âge de 85 ans, appartenait à cette catégorie de cinéastes dont les meilleurs films furent les tous premiers. Devenu par la suite un spécialiste des comédies populaires à la française, il réalisa, en 1978, La Cage aux folles qui fut, de 1980 à 1998, le film de langue étrangère le plus vu aux Etats-Unis (plus de 8 130 000 entrées dans ce pays, contre « seulement » 5 400 000 en France).
Le cinéaste était né le 13 mai 1928 à Bordeaux. Après avoir été assistant de quelques réalisateurs aujourd’hui oubliés (André Berthomieu, Robert Vernay…), il tourna son premier film en 1957. Ça s’appelait Le dos au mur, scénario et dialogues de Frédéric Dard, et pour la petite histoire, un premier assistant qui allait connaître la célébrité : Claude Sautet. Un polar bien classique : un industriel qui aime profondément sa femme, découvre un jour qu’elle a un amant. Il décide de la faire chanter sous un nom d’emprunt puis de faire passer son amant pour le maître chanteur. Interprété, autre originalité, par Gérard Oury et Jeanne Moreau, c’est un film tout à fait curieux.
Suivront ensuite d’autres polars, qui ne sont pas, eux non plus, passés à la postérité, parmi lesquels La mort de Belle, en 1960, scénario et dialogues de Jean Anouilh, d’après un livre de Georges Simenon, avec Jean Desailly et Alexandra Stewart. Film étrange et intéressant. Bide total. Quelques comédies sympathiques suivront, Arsène Lupin contre Arsène Lupin (1962), Une ravissante idiote (1963), avec Brigitte Bardot et Anthony Perkins et, surtout, le savoureux La Chasse à l’homme (1964).
C’est Louis de Funès qui permit à Molinaro d’accéder à la postérité : deux films, coup sur coup, Oscar en 1967, Hibernatus en 1969 ; deux succès commerciaux. D’autres films, pas toujours réussis, suivront, assurant à Molinaro, sinon un succès critique, du moins une place enviable au box office : L’emmerdeur (1973), avec Jacques Brel et Lino Ventura (d’après Le Contrat, la pièce de Francis Veber), Le téléphone rose (1975), avec Mireille Darc, La cage aux folles (1978). Enorme succès commercial, ce film, interprété par Michel Serrault et Ugo Tognazzi, constitua néanmoins une déception pour beaucoup de ceux qui, à partir de 1973, avaient ri aux éclats en allant voir, au Théâtre du Palais-Royal, puis au Théâtre des Variétés, la pièce de Jean Poiret, interprétée par le couple génial Michel Serrault-Jean Poiret.
Edouard Molinaro réalisa quelques autres films parmi lesquels Pour cent briques, t’as plus rien ! (1982, avec Daniel Auteuil et Gérard Jugnot), L’amour en douce (1985, avec Daniel Auteuil, Jean-Pierre Marielle et une débutante au cinéma, Emmanuelle Béart), Le Souper (1992, adapté de la pièce de Jean-Claude Brisville, avec Claude Brasseur et Claude Rich), Beaumarchais, l’insolent (1995, d’après la pièce de Sacha Guitry, avec Fabrice Lucchini et Sandrine Kiberlain). Rien de bien fameux.
Lucide, modeste et cultivé, EdouardMolinaro disait d’ailleurs n’aimer qu’un de ses films sur trois. In fine, c’est à la télévision qu’il parvint à réaliser quelques bonnes adaptations de grands auteurs qu’il aimait (Stefan Zweig, Henry James, Emile Zola).
Si l’on ne devait retenir qu’un seul des ses films, ce serait peut-être le savoureux La Chasse à l’homme (1964) avec une pléiade d’acteurs parmi lesquels Françoise Dorléac, Catherine Deneuve, Marie Laforêt, Bernadette Lafont, Claude Rich, Jean-Paul Belmondo, Jean-Claude Brialy, Francis Blanche, Bernard Blier, Micheline Presle, Michel Serrault… Un film à sketches en forme de comédie de boulevard sur le thème du mariage. Scénario de France Roche et Albert Simonin, dialogues d’Audiard, et quelques perles fameuses. Bernard Blier : « Je vous laisse encore le choix : le mariage ou les menottes ? » Claude Rich : « J’avoue que la différence m’échappe. » Et encore celle-ci, bien dans l’air du temps (le nôtre) : « Deux milliards d’impôts ! J’appelle plus ça du budget ! J’appelle ça de l’attaque à main armée ! »
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>> Cage aux Folles film director Edouard Molinaro dies
>> Edouard Molinaro, who directed classic French farce La Cage aux Folles and other much-loved films, has died in Paris at the age of 85.
After starting out in crime films, he switched to comedies, notably starring the actor Louis de Funes.
La Cage (1978), about a gay couple’s hilariously ill-starred attempt to pass themselves off as straight, was remade in the US as The Birdcage (1996).
French President Francois Hollande paid tribute to Molinaro’s popular appeal.
« Edouard Molinaro possessed the talent for attracting a broad public to quality films, » a statement from the Elysee Palace said.
« This film-maker, who had a rich and varied career, directed the greatest actors of French cinema while winning over the public, and winning the admiration of his peers, at the same time. »
Among Molinaro’s numerous other films were Oscar (1967) with de Funes and My Uncle Benjamin (1969), which starred the Belgian singer and songwriter Jacques Brel.
He was nominated for an Oscar for the 1978 farce.
In recent years, Molinaro worked on made-for-television films and directing episodes of popular French TV series.
He died in hospital of lung failure.
Avec Franck Nouchi
Journaliste au Monde