Les médias indépendants rapportent une intensification de la répression contre les personnes homosexuelles et transgenres en Russie. Une situation qualifiée d’« obsession » par Jean-Marc Berthon, ambassadeur français pour la défense des droits LGBT+, révélant « les faiblesses de Moscou », chaque acte contre les LBGT étant « un aveu d’échec ».
Depuis 2022, le gouvernement russe a en effet multiplié les mesures pour interdire toute évocation des questions LGBT+ dans l’espace public, limiter la possibilité de transition de genre, ainsi que les activités associatives et sociales des personnes LGBT, « sous prétexte de lutte contre l’extrémisme ». Il a également renoué avec la « psychiatrie punitive », visant à « guérir » les LGBT, une pratique héritée de l’époque soviétique. Il se serait aussi « doté d’outils de surveillance numérique des communautés et laisserait agir impunément les milices cherchant la confrontation avec les LGBT ».
Les personnes homosexuelles et transgenres en Russie se voient désormais privées de leur liberté d’expression, de réunion et d’association, et leur sécurité ainsi que leur santé sont gravement menacées. « Face à cette homophobie d’État violente, elles n’ont pas d’autres choix que de vivre dans la clandestinité ou partir en exil. ».
En parallèle, la propagande officielle s’est mise à marteler un narratif très agressif : « les LGBT seraient des êtres sataniques » détruisant les « valeurs traditionnelles » de la Russie, en même temps que des prétendues « agents d’influence de l’Occident décadent ».
Une rhétorique qui, depuis le début de la guerre en Ukraine, a pris une tournure délirante.
Parmi les menaces imaginaires avancées par Moscou pour son « opération spéciale » : le projet de l’OTAN de détruire la Russie, le retour du nazisme à Kyiv, ou encore la propagation des mœurs corrompues de l’« Occident collectif » qui compterait une dizaine de genres. Les hommes n’y seraient plus des hommes, ni les femmes des femmes. Face à la « Gay Europa », « l’Occident transgenre », la Russie serait la protectrice des « valeurs traditionnelles ».
Cette obsession anti-LGBT du Kremlin est liée aux inquiétudes profondes de la Russie concernant son « déclin démographique », (-12 millions de personnes depuis 1992), et au « délitement de la famille », (-70% des mariages se terminent en divorce).
Mais « les LGBT ne sont pas responsables de ces fragilités ! ».
Pour les chercheurs, les véritables causes de ces problèmes sont l’alcoolisme, les violences conjugales et d’autres facteurs sociaux comme « la surmortalité masculine, aggravée par les pertes colossales de la Fédération sur le front ukrainien ». « Accuser les LGBT, c’est donc faire diversion, cacher la vraie cause des maux du pays. ».
« La désignation d’un bouc émissaire permet aussi de fédérer la population, de la souder autour de son chef. Le réflexe d’un pouvoir autoritaire confronté à des crises ou des conflits qu’il a provoqué est de créer une menace imaginaire… pour en protéger le peuple », poursuit M. Berthon.
Le Kremlin tente de diviser les démocraties européennes en séduisant leurs éléments conservateurs.
Moscou espère en outre que sa croisade contre un supposé « Occident corrupteur » des valeurs traditionnelles lui vaudra le soutien des pays non occidentaux. Mais, la Russie en guerre est devenue un repoussoir. C’est donc « une tentative désespérée de retrouver une influence perdue depuis la chute du Mur de Berlin. ».
Mais c’est « le modèle démocratique lui-même que le Kremlin cherche, à travers la question LGBT, à discréditer. Car il craint la contagion démocratique. Difficile de critiquer élections libres et liberté d’expression. Alors on attaque les fruits supposés immoraux de ce modèle ».
Finalement, l’obsession LGBT du Kremlin est le symptôme de ses maux, faiblesses et difficultés, démographiques, ainsi que « son incapacité à justifier un pouvoir autoritaire », sinon par des arguments fallacieux pour « retrouver un rôle dans le monde », conclut M. Berthon.