Evdokia Romanova, membre actif de la « Youth Coalition for Sexual and Reproductive Rights » (YCSRR) et militante au sein de l’antenne locale du mouvement LGBTI « Avers », a été déclarée coupable de l’infraction administrative de « promotion des relations sexuelles non traditionnelles auprès des mineurs utilisant Internet » et condamnée à une amende de 50 000 roubles (soit 740 euros environ) par un tribunal siégeant à Samara.
Les accusations portées contre elle concernaient des liens partagés sur Facebook en 2015 et 2016, notamment un article du Guardian sur le référendum irlandais sur le mariage entre personnes de même sexe et un second de Buzzfeed sur une exposition LGBTI à Saint-Pétersbourg.
Le 26 juillet dernier, elle a été convoquée au poste de police local sous le prétexte qu’elle devait témoigner dans une affaire dont elle n’avait jamais entendu parler. À sa grande surprise, la police l’a informée qu’elle faisait l’objet de poursuites judiciaires pour « propagande homosexuelle », mais a refusé de lui en dire davantage sur la procédure à son encontre.
Pendant des semaines, Evdokia Romanova et son avocat se sont vu refuser des précisions sur les motifs exacts des poursuites engagées contre elle. Ils ont finalement eu accès à son dossier le 5 septembre, quelques jours seulement avant le procès.
« Les accusations absurdes portées contre Evdokia Romanova sont une triste illustration de la situation dramatique à laquelle sont actuellement confrontés les militants qui travaillent sur les questions LGBTI en Russie. Même une liberté aussi simple que celle de partager un article en ligne avec des amis est désormais limitée par une législation manifestement discriminatoire et homophobe », a déclaré, ce 19 octobre, Denis Krivosheev, directeur adjoint pour l’Europe et l’Asie centrale à Amnesty International.
« La loi sur la propagande homosexuelle n’est pas seulement exploitée pour prendre pour cible des personnes comme Evdokia Romanova. Elle est également utilisée comme outil pour répandre la peur et le sentiment d’insécurité parmi les militants LGBTI du pays. Nous appelons à nouveau les autorités russes à abroger cette loi et à respecter le droit de chacun et chacune à la liberté d’expression. »
Dans le cadre de la procédure judiciaire contre Evdokia Romanova, le Centre de police pour la prévention de l’extrémisme a ordonné l’« expertise » d’un lien vers le site web de la YCSRR qu’elle avait relayé, qui appelait les jeunes militants à faire campagne pour les droits des LGBTI. Les « experts » en ont conclu qu’il renvoyait vers de la « propagande pour les relations sexuelles non traditionnelles », visant à « former une orientation sexuelle non traditionnelle » et à « donner une image attractive de l’orientation sexuelle non traditionnelle ».
« Je ne me sens plus en sécurité dans ce pays », a ainsi confié Evdokia Romanova à Amnesty International. « Je reçois des menaces de personnes que je ne connais pas. Cette loi a entraîné une augmentation des crimes de haine envers les personnes LGBT dans tout le pays. Elle empêche les organisations LGBT d’apporter un soutien juridique et psychologique aux jeunes LGBT, qui restent marginalisés et privés de protection ».
L’adoption par la Russie en juin 2013 de la loi contre « la propagande homosexuelle » a introduit dans le Code des infractions administratives l’article 6.21, qui prévoit de lourdes amendes pour les personnes qui, du point de vue des autorités, promeuvent les « relations sexuelles non traditionnelles ». En juin 2017, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a statué que cette loi était discriminatoire.