Jasmin Roy, acteur et animateur star au Québec, également militant, créateur d’une fondation contre la discrimination, l’intimidation et la violence, plus particulièrement à l’école, a publié il y a quelques semaines un livre-témoignage intitulé « Sale pédé » (Ed. l’Homme), dans lequel il revient sur les humiliations et les agressions dont il a été victime en raison de son homosexualité « présumée » : « parce que j’ai commencé à me faire traiter de pédé et de tapette avant même de savoir que j’étais homosexuel », confie-t-il.
D’ailleurs, les études montrent qu’environ 40% des enfants victimes d’homophobie en milieu scolaire ne seront pas homosexuels. « Dans mon cas, vu que j’étais né avec une difficulté avec mes jambes, j’étais moins fort que les garçons donc j’étais ciblé. C’était les mots que l’on prononçait pour me rabaisser qui me faisaient mal. J’ai aussi vécu de la violence physique, de la violence verbale, mais aussi de la violence sexuelle. »
C’était il y a 33 ans. Et si depuis, « on a découvert son charisme enfoui » et qu’il suscite l’admiration de ses camarades, ces cinq années de harcèlement et d’homophobie ont laissé des cicatrices indélébiles :
« J’ai perdu ce que j’avais de plus précieux à cette époque : mon sourire », résume-t-il, sans comprendre « comment dans une société occidentale, moderne, civilisée, on pouvait encore vivre cette problématique. J’ai écrit ce livre car aujourd’hui, des jeunes vivent les mêmes difficultés que moi. »
Il rappelle qu’en France, « un élève sur dix est victime de harcèlement », qui provoquera pour la moitié d’entre-eux, « un désespoir profond », et notamment des problèmes de santé mentale importants :
« Personnellement, j’ai eu une maladie d’anxiété qui a duré plusieurs années. À l’adolescence je tremblais la nuit, je vomissais souvent mais à cette époque, on ne parlait pas beaucoup d’anxiété, de dépression chez l’enfant. Et à l’âge adulte, tout est remonté à la surface. Durant quatre ans et demi, j’ai été en psychanalyse. J’ai pris des médicaments, j’ai dû me rebâtir complètement », ajoute-t-il, déplorant que ce fléau demeure encore un sujet tabou, malgré les différentes initiatives conjointes de l’Education nationale et d’associations pour lever le voile.
Les victimes d’intolérance liée à leur orientation sexuelle sont souvent âgées de moins de 18 ans (53 %). D’après les témoignages recueillis, les agressions à caractère homophobe sont majoritairement commises par des élèves ou des étudiants du même établissement que la victime (66 %), et dans certains cas par des personnels de l’établissement. Ces agressions consistent en des insultes (59 %), parfois accompagnées de réactions de rejet (58 %), voire d’agressions physiques (21 %). Dans 33 % des cas, ces actes se manifestent de manière répétée…
Alors, « pendant combien d’années encore des enfants pourront-ils être agressés à l’école en toute impunité par leurs bourreaux ? Combien d’adolescents laisserons-nous se suicider ? Combien de jeunes adultes devront composer avec des problèmes d’anxiété et vivre avec une estime de soi anéantie ? », s’insurge encore Jasmin Roy. « Des solutions existent pourtant, qui passent par l’éducation et l’inclusion dans les programmes scolaires de la lutte contre l’intimidation. »
Il dédie son histoire à tous ces jeunes isolés, laissés pour compte, qui vivent en silence une véritable tragédie : « la violence et le harcèlement à l’école étant l’une des premières causes de décrochage scolaire. »
Si on veut que nos enfants puissent accéder à des niveaux supérieurs d’éducation, « il faut s’assurer de créer des climats positifs et bienveillants. Il faut que les adultes soient des modèles positifs… Il est urgent de poursuivre la sensibilisation à dans les établissements aux discriminations homophobes, de former les enseignants et les surveillants à s’interposer dans les manifestations de violence homophobe. »
« Les jeunes ont des talents exceptionnels, mais si on ne les laisse pas s’exprimer, ils ne pourront jamais créer des amitiés, ils ne pourront jamais être aimés. Ce n’est pas en écrasant les autres que l’on prend sa place dans la vie. C’est à partir d’un talent et d’une compétence », conclut-il.