La Cour de justice européenne se prononce jeudi sur l’exclusion des homosexuels du don du sang que pratique la France.
Une plainte d’un particulier. Il s’appelle Geoffroy Léger et en 2013, il a attaqué en justice l’Établissement français du don du sang (EFS). Ce dernier avait refusé son sang après avoir appris lors de l’entretien médical précédent le don qu’il était homosexuel. Mais le 1er octobre 2013, le tribunal administratif de Strasbourg a sursis à statuer sur cette affaire. Il a décidé d’attendre que la Cour européenne de justice se prononce sur l’interprétation de la loi européenne de 2004. La réponse est attendue jeudi.
Les faits. Aujourd’hui en France, le don du sang n’est pas ouvert à tous. Si vous avez plus de 70 ans ou moins de 18 ans, si vous êtes une femme enceinte ou homosexuel, l’EFS refuse votre sang.
Le mot « homosexuel » n’apparaît pas dans les textes législatifs. La loi européenne de 2004 mentionne que doivent être exclus du don « les sujets dont le comportement sexuel les expose au risque de contracter des maladies infectieuses graves transmissibles par le sang ».
Idem pour le texte de loi français. Un arrêté de 2009 cible « l’homme ayant eu des rapports sexuels avec un homme » comme suspect de transmettre « une infection virale ». Cette décision se base sur une législation plus ancienne, datant de 1983. Les statistiques de l’époque démontraient alors une prévalence du VIH chez les homosexuels.
Exclusion temporaire ou définitive ? La loi européenne sur laquelle se fonde la loi française est sujette à interprétation. La Cour de justice de l’Union Européenne doit donc se prononcer demain sur la durée d’exclusion des homosexuels du don du sang, doit-elle être définitive ou temporaire ?
Pour la France, la réponse est aujourd’hui une exclusion définitive. Il suffit que le donneur ait eu dans sa vie une seule relation sexuelle avec un homme, même protégée, pour être jugé à risque et ce, même si la relation en question date de plusieurs années.
Un rapport de 2013 en faveur de l’ouverture. Un rapport datant de juillet 2013 remis à Marisol Touraine se prononce en faveur de l’inclusion des homosexuels dans le groupe des donneurs. Son auteur, le député PS Olivier Véran se justifie : « Un homosexuel en couple, stable dans sa relation et n’ayant pas eu de relation à risque dans un délai susceptible d’être couvert par un dépistage sérologique, peut percevoir son éviction comme discriminatoire ».
Ceux qui sont pour. SOS Homophobie dénonce l’interprétation fallacieuse de la loi européenne. À l’occasion de la journée mondiale du don du sang le 14 juin dernier, l’association déclarait que « ce sont les pratiques à risque qui doivent exclure du don du sang et non l’orientation sexuelle. » C’est le critère du comportement qui est appliqué aux hommes hétérosexuels. Ceux qui multiplient les rapports sexuels non protégés, sont en effet exclus du don du sang mais de manière temporaire seulement.
Le président de SOS Homophobie, Yohann Roszéwitch, explique à Europe1.fr les revendications de son association : « Nous ne demandons pas à ce que le don soit ouvert à tous les homosexuels. Ceux ayant des pratiques à risque doivent continuer à être exclus mais de manière temporaire. En fait, nous demandons juste à ce que les hommes homo et bi dont beaucoup se protègent, sont en couple et fidèles, soient traités de la même manière que les hétéros. »
Les homosexuels plus touchés par le VIH ? Roselyne Bachelot, ministre de la Santé lors de la décision de l’arrêté de 2009, se justifiait en avançant des « données épidémiologiques ». « Entre 10 et 18% des gays sont contaminés, alors que ce pourcentage est de 0,2% pour les hétérosexuels. Il y a un risque et ce risque est trop élevé ». L’OMS a récemment constaté qu’en France, comme dans les pays occidentaux en général, les gays constituent une partie importante des nouvelles contaminations.
En 2001, a été mis en place en France le « dépistage systématique du diagnostic génomique viral », le DGV. Le sang des donneurs est ainsi testé et non utilisé s’il est contrôlé séropositif. Mais ce DGV n’écarte pas totalement le risque de transmission du VIH par le sang. En effet, le virus du sida reste invisible dans le sang 10 à 12 jours après l’infection du sujet : c’est la « fenêtre silencieuse ».
Un risque mais faible. À ce jour, une seule étude en France a étudié le risque pris à ouvrir le don du sang aux homosexuels. En 2012, l’Institut de veille sanitaire a ainsi montré que de 2008 à 2010, 28 séroconversions sont apparus chez des donneurs, c’est-à-dire que leur sang s’est révélé porteur du virus du sida. Un résultat qui représente un risque théorique de 1 sur 2.900.000 dons.
L’INVS a alors quantifié le risque pris si le don du sang était ouvert aux homosexuels ayant eu un seul partenaire sur l’année précédent le don. Selon les scénarios retenus, le risque serait de 1 à 4 sur 2.900.000 dons.
Par Noémi Marois