Sénatrice de l’opposition, je voterai en faveur du texte sur le mariage pour tous

Le 12 février dernier, après 10 jours de débats animés, une majorité de députés ont voté en faveur du texte sur le mariage pour tous. A partir du 2 avril, le projet de loi sera examiné au Sénat. La plupart des élus de droite se sont prononcés contre. Fabienne Keller, sénatrice UMP du Bas-Rhin et ancienne maire de Strasbourg, votera pour.

L’Assemblée nationale a adopté la loi sur le « mariage pour tous » en première lecture. Le débat sur l’ouverture du mariage aux personnes de même sexe et le droit à l’adoption débutera au Sénat d’ici quelques semaines. À l’instar de mes collègues députés, Benoist Apparu et Franck Riester, je voterai en faveur du mariage pour tous.

Un choix personnel

Sur des sujets de société qui impactent fortement et durablement le quotidien de nos concitoyens, chaque parlementaire a le devoir de se prononcer selon sa conscience et son vécu. À ce titre, je me félicite que la famille politique à laquelle j’appartiens permette à chacun d’exprimer son opinion et ses convictions sur le sujet.

C’est le vécu du terrain, la richesse des rencontres et la souffrance exprimée lors d’échanges par nombre de nos concitoyens qui m’ont conduite à faire ce choix. C’est mon expérience d’élue de terrain et de parlementaire qui a forgé, au plus profond de moi-même, ma conviction. Cette conviction, c’est qu’il est temps pour la République de donner aux personnes homosexuelles la même reconnaissance, les mêmes droits et la même sécurité juridique qu’aux personnes hétérosexuelles.

Le « mariage civil » pour le renforcement de la famille

Je comprends l’attachement au mot « mariage » de nos concitoyens opposés au projet de loi du gouvernement mais j’entends également la revendication légitime d’égalité des couples homosexuels face à l’ensemble des institutions civiles de notre République.

Même si notre société a beaucoup évolué au cours des dernières décennies, le chemin de l’adolescence, de la construction de sa vie d’adulte et de l’acceptation personnelle, familiale et sociétale demeure parsemé de difficultés et de souffrances profondes pour nombre d’homosexuels. À travers le débat sur le « mariage pour tous » se pose la question de la reconnaissance de l’amour homosexuel comme aussi respectable que l’amour hétérosexuel. La différenciation, ne serait-elle que sémantique, conduirait à une forme de discrimination. Les couples homosexuels seraient donc toujours « à part » et à voir comme « différents ».

Par ailleurs, je crois profondément à la famille et à son rôle structurant au sein de la société. Premier cercle de l’éducation, de la construction de l’individu et des solidarités : la famille est un repère. Permettre à des personnes homosexuelles de s’unir, de se marier et de fonder une famille, c’est aussi promouvoir et consolider la structure familiale dans une société qui prône sans doute trop l’individualisme et le chacun pour soi.

L’adoption dans l’intérêt de l’enfant

Avec le mariage homosexuel et la question de la filiation, se pose la question de l’enfant. Je pense que ce qui relève de l’intérêt supérieur de l’enfant, c’est d’être aimé, choyé et éduqué par ses parents, que ceux-ci soient hétérosexuels ou homosexuels. L’homoparentalité ne revient nullement à priver les enfants des richesses de l’altérité dans leur éducation. Les familles, les amis et la société dans son ensemble permettent aux enfants d’être en contact avec l’altérité et la différence, que cela soit celle entre les hommes et les femmes ou tout simplement celle qui relève de l’unicité de chaque individu.

De plus, défendre l’intérêt de l’enfant, c’est aussi se préoccuper de la précarité des dizaines de milliers d’enfants élevés aujourd’hui par des couples homoparentaux dans lesquels un seul parent est reconnu par la loi tandis que l’autre est otage des turpitudes et des accidents de la vie.

Cette situation met l’ensemble de ces enfants dans une position d’insécurité juridique et d’inégalité face aux enfants de couples hétérosexuels. En cas de séparation ou de disparition du parent « officiel » des situations dramatiques peuvent voir le jour.La Cour Européenne des Droits de l’Homme, gardienne des libertés fondamentales de 47 États et qui siège à Strasbourg, a rendu un arrêt fort en ce sens le 19 février 2013 en affirmant que dans un couple homosexuel, un conjoint doit pouvoir adopter l’enfant de l’autre si cette possibilité est ouverte aux concubins hétérosexuels.

Et il ne faut pas s’y tromper, le droit à l’adoption n’offre pas un droit automatique à l’enfant : il ouvre le droit de se soumettre aux procédures et contrôles légaux en vigueur.

Prendre en compte la réalité

Ceux qui ont la chance d’être parents savent quelle est l’importance des enfants, le sens qu’ils donnent à nos vies. Or aujourd’hui, sauf à contourner la loi, accepter son homosexualité c’est renoncer. C’est renoncer au mariage et c’est renoncer à la parentalité. Aujourd’hui, accepter son homosexualité, c’est s’amputer d’un des plus beaux buts de l’existence : fonder une famille, aimer et élever des enfants.

L’homosexualité n’est pas un choix. C’est une réalité qui s’impose à ceux qui aiment une personne du même sexe. Je ne me sens pas prête, en tant que parlementaire, à ce que la préférence sexuelle que l’on se découvre à l’adolescence puisse conditionner l’ensemble de l’existence d’une personne. Je ne me sens pas prête, en tant que parent, à interdire ce bonheur à ceux dont les orientations sexuelles ne seraient pas les miennes.

Nous sommes tous des êtres en quête de bonheur. Mon rôle de parlementaire n’est pas de l’inventer, mais de le rendre accessible. L’homosexualité n’est ni un danger, ni une chance pour notre société. Elle en fait tout simplement partie. Je souhaite prendre en compte cette réalité plutôt que de la contester.

Pour l’ensemble de ces raisons. Par attachement à la notion d’égalité pour laquelle je me suis toujours battue, notamment dans le combat pour l’égalité entre les hommes et les femmes. Après avoir réfléchi, interrogé mes valeurs et le sens de mon engagement. J’ai décidé, en mon âme et conscience, de voter en faveur du « mariage pour tous ».

Source : leplus.nouvelobs.com