Monsieur X est né en 1951 à Tours, avec un vagin rudimentaire et un micropénis. Il a été déclaré, par ses parents, à l’officier de l’état-civil comme étant de sexe masculin. Par requête, le 12 janvier 2015, sur le fondement des articles 99 du code civil1 et 1047 et suivants du code de procédure civile2, Monsieur X a demandé au procureur de la République de Tours de saisir le président du tribunal afin qu’il remplace la mention « masculin » par la mention « sexe neutre » ou à défaut « intersexe ». Les personnes intersexuées peuvent présenter des caractères sexuels primaires et secondaires à la fois masculins et féminins. Ils ne sont donc ni des hommes ni des femmes.
Pour la première fois en Europe, le tribunal de Grande instance de Tours (Indre-et-Loire) avait permis à une personne de modifier son acte de naissance dans un jugement rendu le 20 août 2015.
Mais, la Cour d’appel d’Orléans a infirmé cette décision. Dans un arrêt rendu ce 22 mars 2016, les magistrats ont en effet estimé qu’« admettre la requête de monsieur X reviendrait à reconnaître, sous couvert d’une simple rectification d’état civil, l’existence d’une autre catégorie sexuelle ».
Le cas de la première personne française à avoir obtenu la mention « sexe neutre » sur son état civil sera porté devant la Cour de cassation, et éventuellement devant la Cour européenne des droits de l’homme, à Strasbourg.
Me Mila Petkova, avocate du sexagénaire, s’est déclarée mardi « très déçue » par la décision de la cour d’appel. « C’est une violence supplémentaire infligée à mon client », s’est-elle indignée.
Son client « ira jusqu’au bout, parce que c’est sa vie privée », avait expliqué Me Petkova, lors de l’audience devant la cour d’appel le 5 février. L’avocate a notamment invoqué l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, qui consacre le « droit à la vie privée et familiale ».
Le parquet général, qui avait fait appel de la décision du tribunal de Tours, a reconnu que la Cour européenne des droits de l’homme admettait « un droit à l’identité sexuelle, droit lié à l’épanouissement personnel, qui est un aspect fondamental du droit au respect de sa vie privée ». Cependant, pour le ministère public, « la loi française ne prévoit en aucune façon la possibilité de porter la mention “sexe neutre” sur un acte d’état civil ».
Déclaré de sexe masculin à la naissance, le requérant porte un prénom d’homme. Cependant, il a, selon son médecin, « un vagin rudimentaire et un micropénis, mais pas de testicules ». Agé de 64 ans, marié, le requérant a adopté un enfant. Il vit dans l’est de la France mais sa demande a été déposée à Tours, car il s’agit de sa ville natale. Il assure avoir pris conscience dès l’âge de 12 ans qu’il était intersexué.
Jusqu’à l’âge de 35 ans il avait une apparence androgyne, plutôt féminine, jusqu’à ce qu’il suive un traitement hormonal à base de testostérone, afin notamment de prévenir l’ostéoporose. Lors de l’audience du 5 février, il avait expliqué n’avoir jamais souhaité cette apparence physique masculine, qu’il a qualifiée de « purement artificielle ».
Pour les magistrats de la cour d’appel, il faut rechercher « un juste équilibre entre la protection de l’état des personnes, qui est d’ordre public, et le respect de la vie privée des personnes présentant une variation du développement sexuel ».
« Ce juste équilibre conduit à permettre [à ces personnes] d’obtenir, soit que l’état civil ne mentionne aucune catégorie sexuelle, soit que soit modifié le sexe qui leur est assigné, dès lors qu’il n’est pas en correspondance avec leur apparence physique et leur comportement social ».
En l’espèce, les magistrats relèvent que « monsieur X présente une apparence physique masculine, qu’il s’est marié en 1993 et que son épouse et lui ont adopté un enfant ». Ils en concluent que sa demande de changement d’état civil serait « en contradiction avec son apparence physique et son comportement social ».