Un tout jeune collectif queer, Gender Shoot, a investi les rues de Paris en la criblant d’affiches qui sont autant des portraits de personnes qui ne se reconnaissent pas dans «le modèle hétérosexiste».
«Nous avons nos propres façons de nous définir, nos propres mots. Nous –pédé, gouine, trans, intersexe, bie…–, nous sommes multiples et éloignés des représentations fantasmées. Nous voulons shaker les schémas binaires hétéro/homo, homme/femme…»
Leur principe est simple, efficace et politique. Du Shoot and paste (mot pour mot prends la photo et colle-la) en quelque sorte. Se faire tirer le portrait en pied avec une pancarte qui définit le sujet et la placarder dans Paris.
Le projet vient de démarrer. Une vingtaine d’affiches ont été collées dans le quartier de Beaubourg. Les autodéfinitions «Trans’», «Queen», «Lesbienne», «Pédale», «Butchqueer», «Garçon manqué» voisinent avec d’autres plus originales ou plus personnelles comme «Femmes à femmes», «Brouteuse». D’autres suivront. L’idée est d’en faire le plus possible et de garder le rythme. Tout dépendra de l’énergie collective comme pour tout projet collaboratif.
Ce dispositif imaginé par ces jeunes queers un chouia énervés n’est pas sans rappeler les collectifs queer qui ont surgi dans le New York de la fin des années 1980 pour contrer l’homophobie déclenchée par l’arrivée du sida: Gran Fury, Act Up, le manifeste I hate straights.
En juillet 1987, Gran Fury avait installé les silhouettes en carton pâte de six personnes publiques les accusant d’être des criminels du sida dans la vitrine du New Museum de New York. Parmi eux, le maire de la ville de l’époque, Edward Kock, le sénateur Jesse Helms, le télévangéliste Jerry Falwell, l’éditorialiste du Times William Buckley et Ronald Reagan, bien sûr. Buckley avait proposé de tatouer les séropos sur l’avant-bras et le cul pour éviter de se faire contaminer par eux.
Le trombinoscope queer qui va contaminer Paris entend aussi montrer que les LGBTI ne sont pas tous obsédés par le mariage, la GPA et la PMA et ne versent pas dans la victimisation pour lutter contre l’homophobie. Raison pour laquelle ils proposent de se réapproprier l’espace public et de le contaminer avec des images de soi différentes et pas pareilles.
Alors, si vous aussi vous pensez que battre les murs, c’est aussi battre le pavé, ne manquez pas la soirée de soutien qui aura lieu à la Mutinerie, le 19 juin à partir de 18h avec mix tech-house à partir de 21h (Dj Mémé, La Culottée/La Klepto).
L’occasion de rencontrer les gendershotter ou d’en devenir un/une. Dans les années 1980, on disait qu’une armée de lovers ne peut pas perdre, m’est avis que l’armée des gender shooter ne va pas lâcher l’affaire.
Marie-Hélène Bourcier
slate.fr