Sida : Les rapports sexuels clandestins toujours à hauts risques

Malgré les progrès accomplis ces dernières années, l’épidémie de sida continue à progresser en France au sein des populations dites « invisibles », qui se retrouvent dans les forêts, sur les parkings ou les aires d’autoroutes pour des pratiques sexuelles à hauts risques, ont averti jeudi des acteurs travaillant sur le terrain.

« Il s’agit à 80% d’hommes ayant des relations avec des hommes, parmi lesquels on trouve beaucoup d’hommes mariés qui ne peuvent pas vivre leur sexualité au grand jour », indique Jérôme André, président de l’association de lutte contre le sida HF Prévention, très impliquée dans le dépistage de la maladie.

Parmi les populations « invisibles » à hauts risques, on trouve également des hétérosexuels multipartenaires, des échangistes, des personnes en situation de prostitution « assumée ou non » et des transsexuels, précise-t-il.

Ces populations se retrouvent dans des centaines de lieux de rencontres extérieurs à travers la France, dont une quinzaine en Ile-de-France.

Selon Jérôme André, la fréquentation en Ile-de-France est en général de 100 à 150 personnes par jour sur chaque lieu, mais elle peut atteindre 500 personnes par jour dans le bois de Verrières (Essonne) ou dans la forêt de Saint-Germain-en-Laye (Yvelines), où l’association intervient pour proposer des préservatifs et des tests de dépistage rapide du sida.

Cette prévention est d’autant plus importante qu’après une diminution significative des nouveaux cas de séropositivité découverts entre 2004 et 2007, leur nombre s’est stabilisé aux environ de 6.000 par an depuis cette date.

Selon le Pr Alain Sobel, immunologiste clinicien à l’hôpital de l’Hôtel-Dieu à Paris, « la clandestinité est un risque majeur dans toute épidémie » dans la mesure où elle rend difficile toute prévention et tout dépistage, indispensable pour pouvoir traiter les personnes infectées le plus tôt possible.

Il ajoute que le risque de contamination est particulièrement important pour le partenaire pendant la primo-infection, alors même qu’il n’existe aucun symptôme dans la moitié des cas.

Quant aux personnes séropositives non dépistées, leur nombre reste difficile à évaluer: il serait, selon lui, de l’ordre de 20.000 personnes aujourd’hui, contre environ 50.000 il y a quelques années.

Moins d’une minute pour un test

Mais, alors que le dépistage se faisait exclusivement dans des centres de dépistage anonymes et gratuits il y a encore quelques années, l’apparition des tests rapides d’orientation au dépistage VIH (ou TROD), qui permettent d’avoir un résultat en moins d’une minute, et des autotests, qui ne sont pas encore autorisés dans l’Union européenne, pourrait changer la donne.

Les TROD ont, selon le Pr Sobel, l’avantage de permettre un contact avec les personnes à risques.

« Ce n’est pas toujours facile car nous ne sommes pas là pour juger, mais pour leur parler de leur sexualité et de leurs pratiques à risques, leur donner des conseils. La discussion peut durer entre 10 minutes et une heure », explique Yoan De Matos, un des animateurs de HF Prévention, qui sillonne les lieux de rencontres de l’ouest de l’Ile-de-France avec un camping-car de l’association.

« Nous proposons d’abord un kit de préservatifs, puis éventuellement un test rapide, consistant à prélever quelques gouttes de sang sur un doigt », ajoute-t-il.

En 2012, dans les deux départements des Yvelines et du Val-d’Oise, 621 personnes ont eu recours à ce test au total, dont 16 ont découvert leur séropositivité, soit 2,57% des personnes dépistées, un taux supérieur à celui des dépistages positifs réalisés dans les centres, de l’ordre de 1%, relève M. André.

Mais le président de HF Prévention reconnaît aussi que la situation s’est « dégradée » parallèlement au débat autour du mariage pour tous, avec plusieurs incidents homophobes, notamment des véhicules tagués. Il ajoute que l’attitude de la police est elle aussi « très contrastée » selon les lieux concernés.

« Casser du pédé ou faire la chasse aux prostituées va seulement déplacer le problème en incitant les populations invisibles à migrer vers d’autres endroits », conclut-il.