Qui sont les personnes contaminées par le VIH (virus du sida) en France aujourd’hui et, surtout, dans quelles conditions médicales, économiques et sociales vivent-elles? C’est à ces questions que répond l’enquête Vespa 2 (Vespa 1 datait de 2003), menée auprès de 3600 personnes séropositives suivies à l’hôpital et publiée mardi dans le Bulletin épidémiologique hebdomadaire (BEH). Ce travail considérable a été réalisé par deux équipes Inserm avec le soutien de l’Agence nationale de recherche sur le sida et les hépatites virales (ANRS) et du ministère de l’Outre-Mer.
Dans un éditorial, le Pr Patrick Yeni, président du Conseil national du sida, remarque que «Vespa 2 confirme le vieillissement de la population des personnes vivant avec le VIH et l’augmentation de la proportion d’immigrés d’Afrique subsaharienne par rapport à 2003».
L’âge médian dans la population séropositive a en effet augmenté de 41 ans à 48 ans entre Vespa 1 et Vespa 2. La proportion des plus de 50 ans a ainsi doublé, passant de 20 % à 41 % dans cet intervalle. «Les immigrés représentent un tiers de la population vivant avec le VIH» dont un quart est devenu français par naturalisation, précisent les auteurs de Vespa 2, qui ajoutent que «l’origine d’Afrique subsaharienne prédomine nettement dans la population immigrée (75,5 %, soit 24,4 % de l’ensemble des personnes vivant avec le VIH)».
Des vies plus «normales» grâce aux nouveaux traitements
Les progrès médicaux réalisés au cours des quinze dernières années sont bien sûr apparents dans les résultats de Vespa 2. «Les principaux facteurs encourageants viennent de l’amélioration des traitements et de la solidité de la réponse thérapeutique qui se traduit par un meilleur niveau de CD4(cellules immunitaires particulièrement touchées par le VIH, NDLR)et la proportion très élevée de personnes ayant une charge virale extrêmement faible», détaille au Figaro France Lert, directrice de recherche à l’Inserm et coordinatrice scientifique de l’étude, avec Bruno Spire et Rosemary Dray-Spira. «Cet état de santé stable avec un traitement plus facile permet aux personnes vivant avec le VIH de mener des vies plus “normales” sur le plan social et personnel», ajoute-t-elle.
Une amélioration déjà visible en 2003 et qui s’est encore accentuée depuis. «C’est ainsi qu’en 2011, détaille le Dr Dray-Spira, épidémiologiste à l’Inserm, l’immense majorité (93,3 %) des personnes suivies pour le VIH étaient sous multithérapie antirétrovirale, et parmi elles la plupart (88,5 %) avaient une charge virale contrôlée, et donc un risque très faible de transmettre le virus à leurs partenaires sexuels. Ces résultats suggèrent donc que la couverture et l’efficacité des traitements antirétroviraux parmi les personnes prises en charge en France atteignaient déjà des niveaux très élevés en 2003.»
Veiller à l’insertion
Vespa 2 met aussi en évidence une certaine stabilité de la situation sociale des malades, y compris dans les DOM. France Lert note, cependant, que «les personnes atteintes se situent surtout dans des catégories défavorisées». La chercheuse estime d’ailleurs qu’au-delà de l’action d’entraide des associations et de la lutte contre les discriminations il est important de veiller à la bonne insertion des personnes infectées par le VIH: «Concrètement, la prise en charge doit comporter un volet social pour soutenir les personnes, faciliter les démarches (accès aux droits, insertion professionnelle, logement), en particulier pour les personnes qui sont dans des situations fragiles sur le plan social (par exemple les immigrés récemment arrivés) ou psychologique.»
Au ministère de la Santé, on estime que Vespa 2 vient confirmer la politique engagée en matière de VIH/sida: «Cibler et prioriser les actions sur les populations les plus à risque et les plus démunies, enrichir la palette des dépistages (tests rapides d’orientation diagnostique, autotests), suivre les évolutions thérapeutiques en cours de validation, comme la “prévention pré-exposition” qui consiste à abaisser la charge virale avant un rapport sexuel, et ne pas négliger les co-morbidités d’une population qui vieillit.»