La filière du sang souffre d’un manque de pilotage et doit être revue autour d’un Haut Conseil dédié (HCFS) selon un rapport remis mardi à la ministre de la Santé, qui recommande également de mettre fin à l’éviction des homosexuels du don du sang. «Nous avons fait le constat qu’il n’y avait pas de pilote dans l’avion, pas de vision d’ensemble», explique Olivier Véran, le député PS de l’Isère chargé par le Premier ministre Jean-Marc Ayrault de se prononcer sur la filière du sang.
Réorganisée en 1993 après l’affaire du sang contaminé, la filière actuelle repose sur quatre acteurs principaux qui ne communiquent pas toujours bien entre eux, alors même qu’elle doit faire face à de «nouveaux enjeux» et notamment assurer sa compétitivité tant au niveau national qu’international.
Pour y remédier, le député, également neurologue au CHU de Grenoble, préconise une «mise à jour de l’organisation actuelle qui tienne compte des expériences acquises.» Il propose notamment le rassemblement de «toutes les parties prenantes» au sein d’un Haut Conseil de la filière du sang (HCFS) qui serait appelé à se prononcer sur les grandes orientations, mais également sur des questions comme l’éviction de certaines catégories de personnes, comme les homosexuels, du don du sang.
Plutôt que de se focaliser sur «l’orientation sexuelle» du donneur, le rapport suggère de faire évoluer le questionnaire appliqué aux donneurs «vers le niveau de risque individuel du donneur.» En décembre, la ministre Marisol Touraine avait pourtant estimé que les conditions n’étaient pas réunies pour cesser d’exclure les homosexuels du don du sang. Le député recommande également de revoir la question de l’éviction à vie des personnes transfusées qui n’a plus de raison d’être, compte tenu des données scientifiques existantes.
Afflux de produits issus de sang rémunéré
Parmi les sujets de préoccupation du rapport figure en bonne place le problème de la compétitivité de la filière française qui souffre d’«un excès de contraintes», non réévaluées au fil des années.
Il cite le cas des rappels de lots pour cause de détection de la maladie de Creutzfeldt-Jakob, une maladie sporadique qui survient vers la soixantaine, alors que tous les autres pays ont arrêté de le faire, des études ayant montré que cette précaution était inutile.
L’ouverture des marchés et le système d’autorisations de mise sur le marché accordées au niveau européen se sont traduits par un afflux de médicaments issus de sang rémunéré, alors même que la filière française continue à insister sur le principe d’«autosuffisance» et d’«éthique» du don de sang, qui doit rester anonyme et gratuit.
40% des médicaments issus de produits du sang utilisés dans les hôpitaux français proviendraient dès à présent de sang rémunéré (comme c’est pratiqué aux Etats-Unis et partiellement en Allemagne et Autriche), selon une estimation citée par Véran qui préconise la création d’un label éthique pour «identifier clairement» les produits issus de plasma non rémunéré. Il propose également la création d’une contribution sur les médicaments issus de plasma rémunéré, dédié à la promotion du don éthique.
La filière actuelle du sang repose sur l’Etablissement français du sang (EFS) qui a le monopole de la collecte de sang, de plasma et de plaquettes auprès des 1,7 million de donneurs bénévoles que compte la France, ainsi que le monopole de la commercialisation des produits sanguins labiles (globules et plasma frais) aux établissements de santé.
A ses côtés, on trouve le Laboratoire français du fractionnement et des biotechnologies (LFB) dont l’état est l’unique actionnaire et qui fractionne le plasma acheté à l’EFS et commercialise des médicaments dérivés du sang (facteurs de coagulation, albumine et immunoglobulines) sur un marché concurrentiel où les laboratoires étrangers sont déjà très présents.
Les deux autres acteurs de la filière sont l’agence de sécurité sanitaire du médicament ANSM et l’INTS, un institut de recherche dédié à la transfusion sanguine, que le rapport préconise de transférer dans une structure hospitalo-universitaire en l’espace de 5 ans.
AFP