« Tu te fais enfiler comme un clebs, tu te crois normal sale mysogine ? Pas de respect pour ces choses indiforme [sic.], non humaine, 2 cerveaux dans le calbard… Jlaisse pas le pouvoir aux chiens. Elu pd pouvoir danger. Le jour où jte plie ta seule gueule de petite trainée, c’est avec mes mains. » Ce genre de messages Ian Brossat en reçoit régulièrement sur son compte Twitter. Avant, il occultait ces messages haineux et homophobes, mais le 5 avril dernier, l’adjoint PCF à la Mairie de Paris et élu du 18e arrondissement en a eu marre. Il a décidé de porter plainte pour lui mais aussi pour les autres. Madame Hidalgo apporte son soutien à son adjoint.
Dans une tribune sur Le Plus, Ian Brossat évoque ces tweets et ces lettres qu’il reçoit régulièrement :
J’ouvre mon fil Twitter et découvre ce lot d’insultes et de menaces. Ce n’est pas la première fois. Nouveau pseudo, même haine.
Un flot d’insultes gratuites
Comme tous les mois ou presque, un compte anonyme déverse sa bêtise crasse. Il y a quelques jours, c’était une lettre anonyme d’un électeur FN, par voie postale cette fois, qui avait pris le soin de découper et coller le visage de Marine Le Pen :
» Vive Marine, la seule à vous enculer, toi le petit pédé. »
Charmante attention… On apprendrait presque à vivre avec ce flot d’insultes gratuites. Puis ce 5 avril précisément, j’en ai eu marre. Après une longue réflexion, après échanges avec des amis, j’ai décidé de porter plainte.
Je ne le fais pas seulement pour moi, mais pour ceux qui n’osent pas ou ne peuvent pas.
Porter plainte, c’est assumer au grand jour son orientation sexuelle
Si j’ai pu faire l’objet d’un tel jaillissement de haine, il me semble indispensable de montrer que l’homophobie est une réalité qui touche aussi et surtout des anonymes qui, eux, n’ont pas forcément les moyens de se défendre.
Comme élu parisien, il est plus facile pour moi d’agir en justice. Comme l’indique le rapport 2014 de SOS Homophobie, les femmes et les hommes qui ont fait l’objet d’agressions homophobes se montrent parfois méfiants vis-à-vis des forces de l’ordre parce qu’il est aujourd’hui encore difficile de faire enregistrer la circonstance aggravante de l’homophobie dans le procès-verbal.
Porter plainte, c’est aussi s’exposer à une procédure judiciaire potentiellement longue. C’est devoir assumer au grand jour son orientation sexuelle malgré les risques de représailles.
Je porte plainte pour les centaines d’anonymes
Je porte plainte pour les centaines d’anonymes qui, sur les réseaux sociaux, ont reçu le même genre d’insultes et n’ont pas souhaité ou pu réagir. Comment ne pas voir que la Manif pour tous et ses alliés ont dramatiquement libéré la parole homophobe ?
Je porte plainte en me souvenant de l’agression verbale des Dégommeuses, cette équipe de foot féminine et lesbienne, que nous avons soutenue avec ma collègue et amie Hélène Bidard, adjointe à la maire de Paris en charge de la lutte contre les discriminations.
Je porte plainte pour Agathe, agressée dans le métro, frappée à la tête et aux jambes pour avoir enlacé sa copine.
Je porte plainte pour Dimitri, salarié insulté et violenté par un collègue mais non soutenu par sa hiérarchie, qui lui demande au contraire de minimiser les faits. Dimitri a contacté un syndicat mais craint d’être licencié.
Puisse cette plainte servir à pointer l’urgente nécessité d’une véritable politique nationale de lutte contre la haine et les discriminations. Intervenir en milieu scolaire, former les professionnel-le-s, informer, mais aussi traquer l’homophobie partout où elle s’exprime et sanctionner justement les agressions… Entouré et protégé, je n’oublie pas le poids de la solitude et de la souffrance des victimes de l’homophobie.
Par Ian Brossat
Adjoint à la Mairie de Paris