En juin 2011, Pierre Schydlowski déclarait avoir été victime d’un viol dans une boîte de nuit. Peu de temps après, il était renvoyé de l’École spéciale militaire de Saint-Cyr, en raison de ses « mauvais résultats ». Mais pour le jeune homme, tous ces événements ne sont liés qu’à une chose : son homosexualité. Depuis trois ans, il se bat pour être reconnu comme victime. Nous devons soutenir le lieutenant : www.change.org/JusticePourPierre
Récit : Avant d’entrer à Saint-Cyr, j’étais élève en classe préparatoire au lycée Naval, avec comme idée d’intégrer une grande école militaire, c’est à ce moment-là, alors que j’étais absent de ma chambre, que des camarades ont fouillé mon ordinateur. Mon homosexualité a ainsi été révélée au grand jour. Ce fut le premier choc auquel j’ai été confronté.
Le début d’un calvaire
Après avoir enfin réussi à entrer à Saint-Cyr, je pensais l’affaire close.
Ce fut le temps des quolibets et des premières insultes.
Participant à un échange franco-allemand, j’étais destiné à poursuivre ma scolarité au sein de l’armée allemande. Les deux premières années de formation se sont passées sans encombre et mes résultats furent satisfaisants. J’essayais de me faire discret, pensant ne plus avoir à être confronté à des médisances.
Une agression qui a tout chamboulé
Puis, un jour, une soirée a tout fait basculer. C’était en juin 2011.
Le carrelage était glacial, je me tordais de douleur, pourtant plusieurs heures auparavant, cela semblait n’être qu’une soirée banale, une sortie entre camarades alors que j’avais été envoyé pour étudier à l’université militaire de Munich par l’Ecole spéciale militaire de Saint-Cyr.
Pourtant le « Paradisio », le nom du bar où nous nous rendîmes, allait bientôt pour moi se transformer en enfer.
Alors que alors que nous trinquions, après avoir commandé notre première consommation, le piège s’est refermé. Une dizaine de minutes après, je fus pris de vertiges et un mal de crâne lancinant prit possession de moi. Je me suis alors dirigé vers les WC, essayant de soulager cet état nauséeux. C’est là que s’arrête la trame de mes souvenirs, alors que je sens mes jambes se dérober sous moi. Le reste ne sont que des bribes de ressentis, de sensations jusqu’au moment où je reprendrai connaissance quelques heures plus tard.
Je sens ma tête cogner contre un mur, le carrelage était glacial. Voilà tout ce dont je peux me souvenir. Me tordant de douleur, allongé là dans une cabine de toilette j’ai mis de longues minutes à me situer. J’ai versé une larme. Qu’ai-je fait ? Où suis-je ?
Cette sensation de carrelage froid et la mesure du cognement contre le mur ne quitte pas mon corps jusqu’au moment où j’arrive à bouger un bras.
Il y a du sang visqueux sur le bout de mes doigts. Mon pantalon, où est-il ? Rien ne sera plus comme avant.
Ayant repris mes esprits, je me rhabille comme je peux et quitte précipitamment les lieux. Je n’avais en fait pas quitté l’établissement de la nuit. Il n’y avait plus personne à cette heure matinale, l’endroit était désert.
Après avoir hélé le premier taxi passant par-là, je pris la direction du centre médical de garnison de l’université. La prise en charge sera sommaire : des tests d’urine, une prise de sang. Pas de prise en charge d’un éventuel risque de contamination par le VIH, pas de proposition d’un quelconque soutien psychologique non plus, bien au contraire.
Une machine infernale
La prochaine étape sera la mise en branle de la machine infernale, celle qui broie un être humain déjà plus bas que terre. Convoqué chez mon supérieur, le Capitaine F., le ton est donné : celui de la culpabilisation. « J’étais sûr que ça allait arriver. » À la suite de cette agression, j’ai été exclu de cette formation et donc de l’École spéciale militaire pour le motif suivant :
« Les mauvais résultats à l’issue de la quatrième année de formation. »
Décision d’exclusion de Pierre Schydlowski datant du 14 septembre 2011 (capture)
En plus d’être victime de cette agression, il va falloir maintenant se battre contre une machine infernale, celle de l’administration, qui a voulu se débarrasser de moi à la suite de cet événement douloureux.
Cela fait maintenant près de trois ans que les faits se sont produits. À la suite de l’exclusion de l’école, se sont succédé : mutations abusives, harcèlement sur le lieu de travail, mise à l’écart ou autres congés de longue maladie.
Une vie volée
Je me retrouve aujourd’hui sans diplôme et sans qualification et l’armée ne m’offre à ce jour aucune perspective viable. J’ai été muté à de nombreuses reprises, comme une ultime volonté de se débarrasser de moi après le calvaire que j’avais subi.
Cet été, après de longues procédures, dont une saisine du Conseil d’État, j’ai obtenu du chef d’état-major de l’armée de terre l’annulation des 30 jours d’arrêts qui me furent infligés au moment de mon exclusion. C’est un premier pas vers la reconnaissance de l’injustice dont j’ai été victime.
Aujourd’hui, après près de trois ans et demi de procédures, je veux simplement pouvoir finir mes études sereinement et me voir offrir la perspective à laquelle j’étais destiné en tant que Saint-Cyrien.
Pour soutenir ma cause ça se passe par ici : www.change.org/JusticePourPierre
Par Pierre Schydlowski
Lieutenant
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